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Joël Le Scouarnec, 74 ans, comparaît devant la cour criminelle du Morbihan depuis le 24 février pour 111 viols et 189 agressions sexuelles commis sur des patients entre 1989 et 2014 dans une douzaine d'hôpitaux, une des plus grandes affaires de pédocriminalité jamais jugées en France.
Devant une cinquantaine de victimes, une cour parfois émue aux larmes, une trentaine d'avocats ont défilé à la barre pour porter la parole de leurs clients.
Tour à tour, ils ont dessiné ces « vies cabossées », raconté comment une femme, jeune mère, a vu son couple exploser lorsque les enquêteurs lui apprennent qu'elle a subi des violences sexuelles, comment une autre a manqué de s'effondrer lorsque l'accusé, face à elle, a appuyé « avec délectation » sur le mot viol.
Pour empêcher la récidive
L'avocat général Stéphane Kellenberger a demandé vendredi aux juges de prononcer vingt années de réclusion criminelle avec une « période de sûreté spéciale des deux-tiers eu égard à la gravité » des faits reprochés à l'accusé.
Il a également requis une mesure spéciale de « rétention de sûreté », s'appliquant après qu'un condamné a purgé sa peine, « du fait des troubles graves de sa personnalité et de la dangerosité induites par ces troubles en termes de risques très élevés de récidive ».
Joël Le Scouarnec doit en outre être interdit définitivement d'exercer la médecine ou une autre profession dans le domaine de la santé, et ne plus avoir le droit d'exercer auprès de mineurs, mais aussi de posséder un animal, en raison de sa zoophilie, a exigé Stéphane Kellenberger.
L'ex-chirurgien doit aussi être privé pour dix ans de ses droits civiques et de famille, a estimé le représentant du ministère public, qui a également demandé une interdiction de séjour dans plusieurs départements « pour préserver les victimes de la terreur » de le croiser.
« Le diable en blouse blanche »
« La peine maximum, c'est celle qui était attendue (...), avec quelques petites surprises comme l'interdiction de détenir un animal (...) ou d'être dans les départements », a réagi Me Louise Aubret-Lebas, avocate de victimes. « Mes clients y sont très sensibles. »
Pendant trois heures, l'avocat général a repris le fil de ce « procès hors-norme (qui) a été au-delà de l'abjection et de l'entendement. »
Un procès qui ne sera pas le dernier : « il y aura probablement une autre procédure Le Scouarnec » concernant d'autres victimes potentielles, a ainsi déclaré le magistrat. « Vous étiez le diable et il s'habille parfois en blouse blanche », a-t-il lancé.
« Dans une affaire d'une telle ampleur », s'étendant de 1989 à 2014 et sur de multiples départements, la justice ne pouvait pas identifier chacune des victimes, ou pas dans les délais impartis pour ce procès, a expliqué Stéphane Kellenberger.
Mais « ces victimes ne sont pas oubliées » et « des investigations complémentaires sont en cours et pourront donner lieu à un procès », a-t-il souligné.
De même, le parquet de Lorient a ouvert une enquête distincte « contre X pour non-empêchement de crime et de délit », a rappelé le magistrat. « Joël Le Scouarnec devait-il être seul dans le box ? »
Enfin, il a semblé faire son mea culpa concernant « la maladresse » avec laquelle les victimes avaient appris de la bouche des enquêteurs leur présence dans les carnets de l'accusé, qui y décrivait scrupuleusement les violences sexuelles qu'il leur infligeait.
À la hauteur des enjeux
Pour Stéphane Kellenberger, « aucune circonstance n'a jamais freiné Joël Le Scouarnec, aucune sauf son emprisonnement ».
Arrêté en juin 2017, Joël Le Scouarnec purge actuellement une première peine de 15 ans de prison pour des violences sexuelles sur quatre enfants.
Le cumul des peines n'existant pas dans le droit français, l'accusé n'effectuera peut-être pas l'entièreté des 20 ans requis par Stéphane Kellenberger, a-t-il rappelé. Aux Etats-Unis, il aurait à purger « deux millénaires ».
Mais la cour, a insisté le magistrat, ne peut « aller en deçà » de cette peine maximale de 20 ans : « cela n'aurait aucun sens pour les victimes et l'accusé lui-même. »
Un réquisitoire « à la hauteur des enjeux » même si « nous avons de nombreux désaccords », a salué l'un des avocats de la défense, Me Maxime Tessier.
Le verdict est attendu le 28 mai.
Avec AFP
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