Mais pourquoi une telle fuite des chirurgiens à la neurochir' du CHU de Nantes ?

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Dix lits viennent d’être fermés dans le service de neurochirurgie du Chu de Nantes. Du jamais vu ! En cause : des aides-soignants et infirmiers en sous-effectif et une hémorragie chronique des chirurgiens du service vers le privé, chefs inclus. Le Dr Joseph Christini, PH dans le service depuis quatre ans, s’apprête lui aussi à partir. Il raconte à WUD comment la neurochirurgie publique nantaise en est arrivée là.

Mais pourquoi une telle fuite des chirurgiens à la neurochir' du CHU de Nantes ?

What's up Doc. Quel contexte a conduit à ces fermetures de lits ? 

Dr Joseph Christini. Le service est scindé en deux (neurochirurgie crânienne et neuro-traumatologie) et doit tourner avec 4 chirurgiens minimum. Or, depuis 2015, on a eu le départ de 4 chirurgiens, dont deux professeurs, et je serai le 5e à partir en novembre. Entre-temps, nous n’étions plus que 3 chirurgiens dans le service. Nous avons 10 chambres avec des patients très lourds : traumatisés crâniens graves et traumatisés médullaires. Ces patients nécessitent des soins de nursing très spécifiques. De plus, nous sommes un service de recours pour toute la région, avec 30 lits en tout, ce qui oblige à juguler le flux des entrées et à batailler avec d’autres médecins. Mais quand vous vous battez seul, sans être soutenu par la direction, à un moment donné vous lâchez prise. L’équipe est en burn-out, en raison d’un afflux de patients depuis trois mois.
 

WUD. Comment fonctionne le service actuellement ?

Dr J. C. Nous avons en permanence 16 à 20 patients lourds hospitalisés - alors qu’ils devraient être 10 - ce qui immobilise le personnel paramédical pour du nursing long et difficile. Or, en raison des arrêts de travail de longue durée, le service doit essayer de tourner avec une douzaine d’aides-soignants et infirmiers par 24 heures, au lieu des 16 à 18 personnels soignants nécessaires. Face à ces problèmes, la décision a été prise de fermer 10 lits. Mais tout n’est pas réglé. 10 à 15 de nos patients sont hospitalisés dans d’autres services, avec des critiques permanentes et justifiées de leur part puisqu’ils ne bénéficient pas de soins post-opératoires adaptés à leur chirurgie. Jusqu’à présent, jamais plus de 4 lits n’avaient été fermés.
 

WUD. Est-ce vous qui avez décidé de quitter le service ?

Dr J. C. J’étais destiné à partir, mais quand la direction a regardé les chiffres d’activité et a constaté que je réalisais un gros pourcentage d’actes, j’imagine qu’ils se sont dit : « On le garde, mais comme il a un caractère compliqué, on le surveille ». Je sais bien que je n’ai pas un caractère facile (rires). J’avais refusé d’être régularisé comme PH, je voulais rester contractuel. Ca m’a rendu très précaire, mais je pouvais négocier mon salaire et garder la possibilité de remplacer à Bastia plusieurs fois par an. L’année dernière, on m’a promis un contrat de trois ans, mais la Covid est arrivée et j’ai reçu un courrier indiquant que le contrat passait à un an. Et finalement, le directeur des affaires médicales a décidé qu’il ne me garderait pas. J’avais claqué la porte de son bureau un jour et je pense qu’il n’a jamais pu passer outre. Je vais aller travailler en clinique, à Nîmes sans doute. J’y ai déjà remplacé. Tout est fluide, il y a plus d’aide logistique, moins de contrariétés. Je pourrai enfin me concentrer sur la prise en charge médicale.
 
 

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