L'exode des médecins algériens vers la France

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L’Ordre local lance l’alerte

L'exode des médecins algériens vers la France

Le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil national de l’Ordre des médecins en Algérie, alerte sur la fuite de praticiens dont souffre son pays. Il a un message pour les autorités algériennes, mais il a aussi quelque chose à dire à la France.

What’s up Doc. Vous avez parlé dans la presse d’un exode de médecins algériens vers la France. De quels chiffres disposez-vous ?

Mohamed Bekkat Berkani. Il y a près de 5 000 médecins algériens inscrits à l’Ordre en France. Il y en a aussi un certain nombre qui ne sont pas inscrits, mais qui sont tout de même employés sous des statuts divers : faisant fonction d’interne, praticien associé, etc. Ceux-là sont entre 10 et 15 000, selon les associations qui les représentent.

WUD. Est-ce seulement l’argent qui les attire en France ?

MBB. Ce n’est pas un problème d’argent, il ne faut pas schématiser. Ce qui se passe, c’est que malgré les efforts déployés par les autorités, le médecin algérien croule sous les difficultés pour se réaliser professionnellement : il lui est souvent difficile de suivre son malade de façon correcte et d’avoir le sentiment du travail accompli. Il faut ajouter à cela le statut social du praticien qui n’est pas à la hauteur. Cette morosité ambiante pousse beaucoup de nos confrères à se tourner vers des pays qui peuvent répondre à leurs attentes.

WUD. Peut-on vraiment leur en vouloir ?

MBB. Pas du tout ! L’individu a le droit d’aller voir ce qui se passe ailleurs. Mais d’un point de vue économique, la formation d’un médecin a un coût. Ce qui est dommageable, c’est que l‘Algérie paie ce coût et que d’autres pays en profitent.

WUD. Alors, où est la solution ?

MBB. Ce que je dis aux autorités algériennes, c’est qu’elles doivent faire plus d’efforts pour retenir ces collègues. C’est une responsabilité nationale. Les médecins algériens doivent de leur côté peser pour obtenir de meilleures conditions d’exercice.

WUD. La France doit-elle faire quelque chose ?

MBB. Je n’accuse pas la France, qui est une terre d’accueil. Au contraire, nous déplorons que les règlements communautaires l’obligent à offrir de meilleures conditions aux médecins des anciens pays d’Europe de l’Est, qui ont pourtant un niveau de formation moindre, et surtout qui ne sont pas francophones.

WUD. Mais si les médecins algériens pouvaient s’installer en France aussi facilement que les médecins roumains, ces départs que vous déplorez ne seraient-ils pas pires ?

MBB. Peut-être. Il n’est pas question de créer des appels d’air, mais de bâtir des ponts. La coopération pourrait se faire dans les deux sens : pourquoi ne faciliterions-nous pas l’installation de nos collègues français en Algérie ? Il y a  matière à collaborer, notamment sur la formation.

Source:

Adrien Renaud

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