Les consommateurs de kétamine se multiplient en France

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"La semaine, je prends deux-trois traces le soir". A 38 ans, Antoine (prénom modifié) sniffe régulièrement de la kétamine, un anesthésiant détourné à des fins récréatives dont l'usage s'est répandu parmi les consommateurs de drogues en France.

Les consommateurs de kétamine se multiplient en France

© IStock 

Longtemps, la "kéta" est restée cantonnée au monde des "teufeurs" des free-parties. Cadre de la fonction publique, Antoine confie en prendre en milieu festif depuis quatre ans. "1 gramme pour un week-end".

Et depuis un an, il en prend aussi le soir pour se "détendre".

Le trentenaire dit lui-même avoir un profil "très addict", être sous antidépresseur et consommer de la kétamine et du LSD en complément, le soir, pour se vider la tête. "La kétamine est un des produits les plus imprévisibles. Je fais des petites pauses régulièrement", poursuit Antoine.

Classé sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS, le produit est soumis à une autorisation de mise sur le marché limitée à une seule utilisation en milieu hospitalier.

Ses propriétés, dissociatives notamment, ont séduit de nombreux consommateurs hors du cadre médical.

"Quand l'usager consomme de la kétamine, il peut y avoir une décorporation, l'usager se voit sortir de son corps", décrit Sabrina Cherki, coordinatrice du Système d'identification des toxiques et des substances (SINTES) à l'Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT).

A très haute doses, il est possible d'atteindre un état très avancé d’effets psychoactifs appelé "K-Hole" : une perte totale de conscience, avec incapacité de bouger. Certaines personnes relatent des expériences de mort imminente (EMI).

Côté chiffre, il n'existe pas de données précises sur la consommation de kétamine car les taux de prévalence ne sont pas mesurés en population générale.

Le seul point commun des adeptes de la "" est d'être déjà consommateurs de produits psychotropes

Côté répression, 249 kg ont été saisis en 2018, selon l'Office antistupéfiants (Ofast). Depuis, le produit a disparu des statistiques annuelles. Seule une saisie de 152 kg sur un péage de l'Oise (nord) a été recensée en octobre dernier.

Des chiffres marginaux comparés à ceux de la consommation de cannabis ou de cocaïne.

L'usage détourné de la kétamine reste faible, explique Clément Gérome, chargé d'études et coordinateur national du dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (TREND) à l'OFDT.

Et le produit, sous sa forme liquide incolore et inodore, est particulièrement délicat à dénicher. En outre, les tests salivaires ne permettent pas de le détecter.

La kétamine se vend en poudre ou en cristaux pour 40 euros le gramme - moins chère que la cocaïne (autour de 70 euros). Elle arrive par fret postal, vendue sur le darknet depuis l'Asie du Sud-Est, en Inde notamment.

Le seul point commun des adeptes de la "" est d'être déjà consommateurs de produits psychotropes avant d'en tester la première fois, explique Clément Gérome.

"Aujourd'hui, il y a des profils très différents", détaille-t-il, "ancien « teufeur » consommateur chronique en situation précaire de 35-40 ans, jeune clubbeur underground urbain de 20-25 ans, des trentenaires fréquentant les milieux queer, qui maîtrisent leur consommation".

Les usages qu'ils en font sont tout aussi variés. "Certains l'utilisent pour trouver le sommeil, d'autres pour la gestion du manque d'opiacés ou l'automédication en micro-dosing", décrypte Clément Gérome.

"Généralement, il me faut une « bonne poutre » (plus grosse qu'un rail, ndlr) pour atteindre l'état que je recherche"

Teddy (prénom modifié) en sniffe occasionnellement en after et en chemsex, pratique consistant à consommer des produits psychotropes pour intensifier les actes sexuels essentiellement répandue dans les relations entre hommes.

"Généralement, il me faut une « bonne poutre » (plus grosse qu'un rail, ndlr) pour atteindre l'état que je recherche", résume cet ingénieur de 31 ans, surnommé par ses proches "kétastrophe".

"Je peux me faire un « Calvin Klein » (pour le C de cocaïne et le K de kétamine, ndlr). Ou un G-C-K (prononcer Jessica, ndlr) : GHB, cocaïne, kétamine. Je l’ai fait avant-hier", raconte-t-il. "En club j'avais pris de la 3MMC (cathinone de synthèse) et en rentrant en after gay, j'ai pris le cocktail".

"Quand on a testé beaucoup de drogues, on se dit que c'est la meilleure", poursuit Teddy, "j'ai l'impression qu'il n'y a pas d'overdose, ni d'accoutumance ou de descente".

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C'est d'ailleurs un des principaux facteurs de sa diffusion, selon Clément Gérome.

"Le produit est considéré comme « maîtrisable » facilement par les usagers car les effets « durent relativement peu de temps » et sont « instantanés »" selon Clément Gérome. "Ils avancent aussi « l'absence d'effets négatifs lors de la descente » et les « faibles risques de dépendance » perçus, contrairement à ce que dit la littérature scientifique".

La kétamine est une substance psychoactive qui peut entraîner une dépendance, met toutefois en garde Sabrina Cherki : "les usagers qui en prennent régulièrement vont avoir besoin d’en prendre plus au fur et à mesure".

Outre les risques neuropsychiatriques (hallucination, paranoïa) ou les troubles cognitifs avec altération de la mémoire, son usage régulier peut affecter la vessie et les reins.

Avec AFP

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