Le gouvernement compte mieux encadrer les "médecines douces" laissant sceptique une partie du corps médical

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Les "médecines douces" explosent en France, au risque d'importantes dérives pour les patients. Le gouvernement promet de mieux encadrer le secteur mais, pour certains médecins et associations, il laisse trop de place aux promoteurs de ces pratiques sans fondement scientifique.

Le gouvernement compte mieux encadrer les "médecines douces" laissant sceptique une partie du corps médical

© IStock 

Aujourd’hui se tient la réunion d'installation du "comité d'appui pour l'encadrement des pratiques de soins non conventionnelles" (PSNC), autrement dit les médecines "douces" aussi appelées "alternatives" comme la naturopathie ou la sophrologie, sous l'égide de la Direction générale de la santé.

Cette réunion s'inscrit dans un contexte où ces pratiques, définies par leur absence de fondement scientifique, sont en plein essor et leurs dérives aussi. La Miviludes, mission de lutte contre les sectes, s'en est notamment inquiétée en mars.

Si les dérives sectaires sont minoritaires, la répression des fraudes a ainsi constaté que près de 80% des professionnels contrôlés présentaient "une anomalie" : pratiques commerciales trompeuses, exercice illégal de la médecine...

La réunion d’aujourd’hui, organisée par la ministre déléguée Agnès Firmin-Le Bodo, vise donc à mieux encadrer le secteur.

Mais les adversaires de ces "pseudo-médecines" sont d'ores et déjà refroidis par certains invités favorables au développement de ces pratiques, telle l'Agence des médecines complémentaires adaptées (A-mca).

L'Ordre des médecins a vivement critiqué cette semaine cette organisation dans un rapport, dénonçant "un groupe de personnes autoproclamées spécialistes des PSNC". Un point de vue partagé par certaines associations en guerre contre les dérives thérapeutiques tel le collectif No FakeMed.

"On est assez méfiants", a prévenu auprès de l'AFP le président de ce collectif, le docteur Pierre de Brémond d'Ars, craignant "une volonté de légitimer des pratiques pour vendre des compléments alimentaires, des formations, des stages..."

L'association, qui comme l'Ordre sera présente à la réunion, redoute notamment de ne pas faire le poids "en termes de pouvoir et de lobbying", alors que Mme Firmin Le Bodo militait, quand elle était députée, pour faire de l'A-mca une "agence gouvernementale".

Interrogée par l'AFP, la directrice générale de l'A-mca Véronique Suissa s'est dite dans une simple "démarche intellectuelle", soulignant ne pas être contre l'interdiction des pratiques "dangereuses".

"Les autorités sont paniquées devant une injonction paradoxale"

Le cabinet de la ministre, lui, promet d'écouter chaque voix équitablement et assure qu'il était essentiel de représenter tous les points de vues autour de la table, où seront aussi installés l'Agence du médicament et la Haute autorité de santé.

"La position de la ministre, c'est qu'on ne peut pas nier que certains de nos concitoyens font appel à ces pratiques, et en même temps (...) il faut qu'on soit capable de les protéger de toute dérive", assure-t-il à l'AFP.

Au-delà de la production d'une cartographie des pratiques et des différentes méthodes d'évaluation utilisées pour les classifier, le ministère revendique une approche plus globale avec notamment l'analyse des formations à ces pratiques, aujourd'hui très hétérogène et sans référentiel commun.

Cet entre-deux a du mal à rassurer les adversaires des "pseudo-médecines", d'autant que certains voient un autre mauvais signal dans la récente nomination, par le ministère, du cancérologue Alain Toledano comme expert au sein d'un comité censé orienter de futures mesures sur les soins palliatifs.

Or, Alain Toledano est essentiellement connu pour ses positions en faveur de la médecine "intégrative", qui voudrait associer les "médecines douces" au parcours de santé.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/des-therapies-alternatives-aussi-efficaces-que-la-vraie-medecine-pour-plus-de-la-moitie-des

"Ce type de nomination témoigne à mon sens d'une certaine complaisance du ministère de la Santé envers les pseudo-médecines et encourage des dérives regrettables dont les patients et leurs proches sont les premières victimes", alerte le cancérologue Jean-Emmanuel Kurtz, engagé contre les dérives thérapeutiques. Le cabinet de la ministre a, de son côté, défendu auprès de l'AFP, le choix d'un "cancérologue de renom".

Pour certains observateurs, ces ambiguïtés témoignent au final de la difficulté à réconcilier une approche fondée scientifiquement, tout en prenant en compte le fait que ces pratiques sont désormais monnaie courante (la moitié des Français y ont recours selon un sondage Odoxa).

"Les autorités sont paniquées devant une injonction paradoxale", juge le professeur Bruno Falissard qui a évalué pour l'Inserm plusieurs de ces pratiques et regrette notamment un flou dans la définition exacte de pratiques comme la naturopathie.

Avec AFP

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