« Le cabinet médical n’est pas un lieu de rencontre »

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Marie, son psychiatre et la chambre disciplinaire

« Le cabinet médical n’est pas un lieu de rencontre »

Marie* a vécu pendant plusieurs mois une relation qu’elle qualifie d’incestueuse avec son psychiatre. C’est elle qui est à l’origine de la pétition pour inscrire dans le code de déontologie médicale l’interdiction d’avoir des relations sexuelles avec un patient. Elle témoigne pour What’s up Doc.

What’s up Doc. Pouvez-vous résumer ce qui s’est passé entre vous et le Dr Z, votre psychiatre ?

Marie. J’avais commencé une analyse avec le Dr Z en 2006, et j’y avais mis fin parce qu’aucun travail n’était fait. En 2011, ma fille a subi une greffe cardiaque. C’était extrêmement stressant, et quand tout a été terminé, je suis retournée voir ce psychiatre pour éviter le retour de manivelle. Il s’est mis à me faire des compliments, et cela m’a déstabilisée : pendant l’analyse, il ne m’avait pour ainsi dire jamais parlé. J’étais dans un état de grande fragilité à cause de ce qui s’était passé avec ma fille, et il savait tout. Un jour, il m’a embrassée. Et c’est comme cela que je me suis laissée embarquer. Nous avons eu des relations sexuelles pendant plusieurs mois à son cabinet, et il venait aussi parfois chez moi.

WUD. Il a par la suite affirmé que c’est vous qui l’aviez embrassé…

M. C’est faux, et de toute de façon, cela ne changerait pas le fond de l’histoire. Le cabinet médical n’est pas un lieu de rencontre. On y est très vulnérable, et il est choquant qu’un médecin utilise cette vulnérabilité pour faire son marché. Cela vaut même si ce n’est pas lui qui a pris l’initiative.

WUD. En 2014, vous avez porté plainte contre le Dr Z devant l’Ordre des médecins. Comment cela s’est-il passé ?

M. Tout d’abord, j’ai dû me faire aider pour sortir de son emprise : j’ai été voir une psychologue qui m’a fait prendre conscience de la gravité de la situation. Puis j’ai saisi le Conseil départemental de l’Ordre des médecins, qui a décidé de ne pas s’associer à ma plainte. J’ai donc porté l’affaire au niveau régional, où le Dr Z n’a eu qu’un avertissement, la sanction minimale. A l’audience, l’avocat avait souligné qu’il n’y avait pas d’article du code de déontologie interdisant aux médecins d’avoir des relations sexuelles avec un patient. C’est comme cela que j’ai commencé des démarches pour que cet article soit ajouté.

WUD. Quelles ont été ces démarches ?

M. J’ai écrit à Marisol Touraine, qui était ministre de la Santé à l’époque. Puis à Agnès Buzyn. J’ai aussi commencé à discuter sur les forums, notamment celui du Dr Dupagne, où j’ai rencontré d’autres femmes qui étaient dans mon cas. J’ai aussi fait appel de la décision du Conseil régional devant le Conseil national. De son côté, le Dr Dupagne m’a tendu la main, et il a pris le relai pour monter la pétition.

WUD. Le Conseil national a condamné le Dr Z à six mois d’interdiction d’exercice. Cette sanction est-elle à la hauteur de ce que vous attendiez ?

M. Oui, même s’il a continué à mentir et à inventer des détails à l’audience. J’ai aussi porté plainte au pénal pour abus de faiblesse. Cela a été classé sans suite mais je vais faire appel. J’ai tellement envie de faire bouger les choses pour toutes ces femmes : j’ai reçu beaucoup de témoignages, et je sais que se faire manipuler de la sorte est extrêmement destructeur. Il y a un rapport avec l’inceste : cet homme est là pour nous épauler, pour nous réparer, on lui montre nos faiblesses et il en profite. Ce n’est pas comme dans une véritable relation avec un homme. On ne l’attend pas sur ce terrain-là, il ne doit pas s’y trouver.

* Le prénom a été modifié.

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Propos recueillis par Adrien Renaud

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