Journal d’un médecin en service Covid : « Je suis dans l’œil du cyclone »

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Chaque semaine, le Dr Hakim Alami, 30 ans, pneumologue, PH contractuel au service Médecine intensive et réanimation du CHU de Nantes, raconte à What’s up Doc l’épidémie de l’intérieur. Chapitre 1. 

Journal d’un médecin en service Covid : « Je suis dans l’œil du cyclone »

What's Up Doc. Depuis quand travaillez-vous dans ce service et quel a été votre parcours avant ?

Dr Hakim Alami. J’ai fait ma fac de médecine à Angers et mon internat à Nantes. Ces deux dernières années, j’ai travaillé aux soins intensifs de pneumologie à l’hôpital Nord-Laënnec. Et depuis une semaine, je suis au service médecine intensive et réanimation de l’Hôtel Dieu, l’un des services étiquetés « Centre d’accueil Covid ». Au fur et à mesure que les patients arrivent à l’hôpital, nous sommes amenés progressivement à augmenter le nombre de lits dédiés au Covid dans chaque unité et ouvrir de nouvelles unités. C’est ce fonctionnement par étapes qui prévaut depuis quelques semaines.
 

WUD. Combien de patients Covid avez-vous actuellement dans le service ? Et quel est leur état ?

Dr H.A. Nous avons entre 18 et 20 patients Covid. Nous sommes à la limite supérieure de nos capacités. Tous les patients qui sont dans notre service sont dans un état très grave. Aujourd’hui, sur mes trois patients Covid, deux sont dans un état… je ne sais pas s’ils vont s’en sortir. Les patients les plus graves restent ceux qui ont des comorbidités et plus de 65 ans. Mais on a accueilli hier un patient de moins de 40 ans, sans comorbidité, dans un état extrêmement grave.

WUD. Quelles différences voyez-vous avec la première vague ?

Dr H.A. On a une meilleure connaissance de ce qu’il faut faire et ne pas faire avec ce virus. On est mieux équipés en matériel de protection. Les soignants sont plus habitués à prendre en charge les patients Covid, donc il y a moins d’anxiété sur les contaminations. En revanche, ce qui est moins bien, c’est l’effectif soignant et médical. Il est inférieur à celui de la première vague, car il y a eu peu de déprogrammations pour le moment. Par ailleurs, lorsqu’un ou plusieurs soignants sont symptomatiques, et arrêtent de travailler, cela handicape toute l’équipe très rapidement. Les inquiétudes portent plutôt aujourd’hui sur le capacitaire hospitalier : comment pourrons-nous faire face si la seconde vague est très élevée ?
 

WUD. Êtes-vous en effectifs suffisants dans votre service ? Et quel est l’état d’esprit de l’équipe ?

Dr H.A. Dans le service de réanimation médicale, on est plutôt bien lotis, ce n’est pas le cas dans tous les services. C’est une grosse équipe de plus de 150 soignants, donc même s’il y a quelques absences, le service tourne sans problème. C’est plus tendu en médecine conventionnelle actuellement. Et dans le service où je travaillais précédemment, il y avait aussi de grosses tensions sur les effectifs infirmiers et aides-soignants. L’état d’esprit est globalement bon, mais l’équipe commence à s’inquiéter de la durée de l’épidémie et à être fatiguée. 
 

WUD. Et vous personnellement, quel est votre état d’esprit ?

Dr H.A. Je suis plus impliqué cette fois-ci car il y avait eu peu de cas Covid dans mon précédent service. Là, je suis dans l’œil du cyclone. Je suis un peu inquiet de la charge de travail, du nombre d’entrées de patients Covid et de leur pronostic. Nous avons dans le service des patients dans un état extrêmement grave. Je suis inquiet aussi pour l’année qui vient : quand est ce que ce pic épidémique va ralentir, au vu de ce confinement très partiel ? Est-ce qu’on va réussir à accueillir tous les malades ?   
 
 

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