« Je vais partir faire du porte-à-porte pour vacciner »

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Élise, 31 ans, est généraliste dans le village de Dachstein en Alsace. Cette région a été très impactée par la Covid-19. Elle raconte son année sous Covid. 

« Je vais partir faire du porte-à-porte pour vacciner »

Après un rassemblement à Mulhouse, nous avons commencé à entendre parler de cas de Covid dans le Haut-Rhin, sans vraiment comprendre ce qui arrivait. On avait du mal à y voir clair. Le 9 mars, c’est une date dont je me souviens parfaitement parce que ce jour-là, ça a basculé. Les cas commençaient à se déclarer dans le Bas-Rhin et dans mon cabinet, j’ai découvert que si j'essayais de déterminer, qui parmi mes patients pouvaient avoir un Covid, la moitié étaient probablement concernés. Nous étions à la fin de l’hiver et les symptômes de grippe et de Covid se mélangeaient alors.

Dans mon entourage aussi, un de mes proches a commencé aussi à avoir des symptômes similaires. Là, j’ai retourné mon cabinet pour retrouver des masques. Le précédent médecin avait gardé les vieux masques fournis à l’époque par Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, en 2010-2012. J’avais très peur de contaminer les patients et d’être moi-même malade. J’ai donc commencé à les porter, presque en m’excusant pour l’allure que ça me donnait. Deux jours après, j'ai commencé à avoir des symptômes.

J’avais peur que mes collègues meurent.

A ce moment-là, nous n’avions pas encore de tests PCR, mais j’ai découvert qu’au CHU de Strasbourg, près du village dans lequel j'exerce les médecins pouvaient être dépistés. J’y suis allée, c’était un autre monde. Les tentes de dépistages partout, les cas en réa qui explosent et mon test qui revient positif. Dans nos groupes WhatsApp de médecins, les alertes s’enchaînent. “Attention on a de plus en plus de morts en réanimation”, “ce n’est pas une simple grippette". Là, j’ai paniqué. J’avais peur que mes collègues meurent. J’avais très peur aussi de l’avoir transmis à mes patients dans le cabinet mais aussi dans l'Ehpad où je travaille. Avec mes proches, j’ai respecté les gestes barrières et au final seule ma consœur avec qui je partage mon cabinet a attrapé le Covid. C’était une période très difficile.

 

Après la prise de conscience, la réorganisation avec bon sens

Dans le cabinet, il a fallu aussi tout réorganiser. Fini les consultations libres, on a mis en place des téléconsultations. Dès lors que l’on a eu des masques, on a pu reprendre les consultations en présentiel.

L’élan de solidarité a été incroyable.

Dans le village de Dachstein, des patients ont cousu des masques en tissu pour nous. Avec des vieux draps parce qu’ils avaient peur pour moi et qu’ils voulaient que je sois protégée. D’autres ont amené des masques FFP2, que leurs entreprises avaient mis à disposition, et me les ont donné. On a aussi reçu des blouses d’une usine. Avec la femme de ménage de notre cabinet, on a aussi fabriqué des lingettes avec des serviettes de restaurants recyclées que l'on trempait dans la Javel diluée pour désinfecter nos instruments. L’élan de solidarité a été incroyable. En y repensant aujourd’hui, je suis vraiment émue.

Après ça, il a fallu gérer la panique. Pas de tests, peu de masques et un mal-être qui monte. J’ai raconté ma vie à mes patients pour les rassurer : “Moi aussi, j’ai eu le Covid, ça va aller”. C’est la première fois que je faisais ça ! 

Aujourd'hui, un an après, j’ai l’impression d’un marathon qui n’en finit pas. Nous participons à la vaccination et beaucoup de mes patients, les plus âgés, n’ont pas accès à Doctolib. Du coup, demain, je vais partir faire du porte-à-porte avec une petite glacière pour les vacciner à domicile. Un nouveau combat commence.

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