Grève du codage : l’effet boomerang d’éventuelles sanctions

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La direction de l’AP-HP menace de sanctions disciplinaires le personnel paramédical et les techniciens des départements d’information médicale (DIM) qui participent à la "grève du codage". Effet boomerang garanti !

Grève du codage : l’effet boomerang d’éventuelles sanctions

La tension est encore montée d’un cran ces derniers jours. Nous vous annoncions la semaine dernière que la grève du codage faisait peur aux directions des établissements qui ne lésineraient pas sur les mesures de rétorsion et les tentatives d’intimidation vis-à-vis des grévistes.
 
L’AP-HP n’est évidemment pas en reste dans cette histoire, puisqu’une note (à l’attention de l’encadrement soignant) de la direction des ressources humaines de l’Assistance publique menace de sanctions disciplinaires le personnel paramédical qui participerait à la "grève du codage".
 
La DRH commence par rappeler les « obligations en matière de cotation des actes et de l’activité (codage, NDLR) ». La direction et l’encadrement peuvent « demander à tout moment à un professionnel, quel qu’il soit, de coter ou de codes des actes », car il n’existe « aucun texte ou disposition interdisant de confier la cotation des actes à un professionnel non médical », selon la DRH.
 
Sur un ton martial, l’AP-HP explique ensuite que les consignes d’un supérieur hiérarchique se doivent d’être respectées. Avant de brandir la menace suivante : « Tout manquement injustifié à l’obligation d’obéissance hiérarchique expose l’agent à une sanction disciplinaire, voire à une retenue sur rémunération pour absence de service fait ».

Grève perlée ?

Pour la direction de l’Assistance publique, suspendre les missions de cotation et de codage s’apparente donc à participer une « grève perlée » puisque « les agents présents à leur poste de travail n’effectuent pas pleinement la totalité de leurs tâches ou l’effectuent de façon à ralentir le fonctionnement du service ».
 
Mais, comme ces vilains agents font en sorte de ne pas cesser totalement leur activité, ils ne peuvent donc pas rentrer dans la case « gréviste », et ne peuvent pas « faire l’objet d’une retenue de traitement », semble regretter l’AP-HP qui les avertit donc qu’ils s’exposent à... roulement de tambour...« une sanction disciplinaire ».
 
Comme si cela ne suffisait pas, la direction enfonce encore un peu plus profondément le clou dans le dos des grévistes. En évoquant tout d’abord « les conséquences pour la prise en charge des patients » de l’absence de codage dans le système d’information. Mais aussi le « manque à gagner » de la grève du codage qui couvrirait aussi bien « les aspects financiers de valorisation de l’activité » que « le calcul des dotations publiques qui sont souvent basées sur l’étendue des files actives ».
 
Ce document interne a provoqué l’ire du collectif Inter-Hôpitaux (CIH), en particulier le CIH Annecy qui a déclaré sur Twitter : « Menace de sanctions absolument inadmissible de la part de la direction de l’AP-HP. Le devoir du soignant est envers son patient. Nous ne sommes pas des dresseurs de factures ! »

Quant au Pr Mickaël Peyromaure, chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin, il considère que « l'administration qui semble ne plus avoir de prise sur les médecins, s'en prend à l'échelon du dessous, c'est-à-dire l'encadrement, de manière à scinder les services, pour que certains se désolidarisent. C'est tout à fait scandaleux, c'est une première », rapporte Europe 1.  
 
Du côté de l’hôpital d’Avicenne, on évoque des menaces à destination des techniciens des départements d’information médicale (Dim) qui sont notamment en charge du codage des actes médicaux. Dans un message relayé sur Twitter par le CIH, les personnels hospitaliers d’Avicenne ont donc décidé de lancer l’opération de communication #JeSoutiensMonDIM (ou #JeSuisDIM) pour soutenir leurs collègues.

Ils reprochent à l’AP-HP de « menacer financièrement et disciplinairement les techniciens des DIM pour empêcher la poursuite du codage ». Des menaces qui, selon eux, mettent en évidence un « clivage » entre les directions hospitalières et les personnels hospitaliers. 
 
Et d’attaquer les directeurs administratifs qui seraient « emmurés dans l’autisme où ne résonne que la rentabilité, refusent de s’associer au plus large mouvement de défense de l’hôpital public de la décennie ». C'est pourquoi les personnels hospitaliers d’Avicenne annoncent qu'ils passeront radicalement de la rétention à l'arrêt total du codage.

Viol éthique 

Quant au Pr André Grimaldi, l’un des chefs de file du CIH joint par WUD, il considère que la direction de l’AP-HP « ne devrait pas jouer au jeu des sanctions ». Ni d’ailleurs faire le chantage suivant : « Si vous continuez à faire la grève du codage, nous ne pourrons plus acheter des médicaments chers pour les patients » (lire notre article sur ce type de chantage).
 
André Grimaldi a parfaitement conscience que les pressions sur les « grévistes » du codage ne s’exercent pas de la même manière, selon les établissements. Il peut donc comprendre « que certains craquent face aux pressions des directions ». Mais il demande « à ceux qui le peuvent de tenir bon car c’est un combat éthique qui est mené ».
 
Selon lui, le codage, et son pendant la T2A (tarification à l'activité), entraînent « un viol éthique ». Car l'une des règles éthiques des médecins est selon lui la suivante : « le juste soin pour le patient au moindre coût », ce qui passe par « ne pas prescrire d’actes inutiles ». Or, ce sont justement les effets pervers de la tarification à l'acte : la multiplication des actes inutiles…
 

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