Ex-responsable du centre de santé d’Ivry-sur-Seine

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Le Dr Danièle Gilis est médecin généraliste retraitée - Ancienne responsable du centre municipal de santé d’Ivry-sur-Seine (94). Elle a partagé sa pratique clinique avec des activités de santé publique, notamment en matière de grande précarité.

Ex-responsable du centre de santé d’Ivry-sur-Seine

Quelle est la première fois ou...

 

…tu as eu l’idée de faire médecine ?

 

Je n’ai pas toujours voulu faire médecine, je souhaitais initialement travailler dans le domaine de la biologie, pour faire de la recherche sur l’ADN. Mais pour faire de la recherche, la voie royale c’était médecine. C’est en 3e année, quand on a commencé à voir des malades, que je me suis intéressée au soin. J’ai réalisé que c’était finalement mieux que le labo.

 

…tu as examiné un patient ?

 

Ce dont je me souviens, c’est de la première fois que j’ai examiné un patient seule. C’était mon premier stage d’externe. Le service ressemblait encore aux hospices du XIXe siècle, sur 3 niveaux, au premier les patients qui marchaient, puis les patients en fauteuil et enfin les patients grabataires. Je suis tombée sur un patient grabataire, qui m’a tirée par la manche et m’a demandé de le faire marcher. Mon examen clinique a bien conclu que quelque chose n’allait pas. Dans son dossier, j’ai vu qu’il était tombé aux toilettes. J’ai fait faire une radio : fracture. À l’époque on se s’arrêtait pas à l’examen clinique, on examinait aussi les pots de crachat, ce qu’on ne fait plus aujourd’hui.

 

…tu as eu raison contre ton chef ?

 

Dans un service très performant de chirurgie thoracique, une dame devait être opérée d’un truc qu’on avait appelé kyste pleuropéricardique. Elle décrivait une douleur du périnée à la tête. Dans mon interrogatoire, elle avait décrit la même douleur, ce qui avait abouti à une hystérectomie. Pour moi l’opération n’allait pas de soi et ne la soulagerait pas. J’ai bien entendu soulevé la question auprès de mon chef de clinique, sans effet... Et une fois opérée, rien n’a changé pour elle. Ce service m’a définitivement éloignée de la technicité toute-puissante.
 

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Et la dernière fois où...

 

…tu n’as pas su faire ?

 

En médecine générale, il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas faire ! Mais je me souviens d’un patient qui vient dans mon cabinet, mécontent de son médecin traitant. Il avait des douleurs abdos dont il ne se débarrassait pas. Je l’ai examiné, je ne trouvais pas grand-chose, une image douteuse à l’écho, et finalement un cancer du rein au scanner. Opéré à Pompidou, tout se passe bien. Il revient 2-3 mois plus tard avec la même douleur. C’était un monsieur toujours très en colère. Je devais être aussi de mauvaise humeur. Au lieu de m’occuper de sa douleur, j’ai moi aussi ronchonné, écourté la consultation. Et je ne l’ai pas revu ensuite.

 

…tu as été touchée par une situation ?

 

L’annonce de son diabète à un enfant de 14 ans. Sa mère ne l’avait pas trop mal pris. Mais quand je lui ai annoncé à lui, il s’est effondré. J’avais l’impression de lui annoncer une condamnation à mort, c’était terrifiant. Je n’ai pas pu l’aider beaucoup. J’ai été très choquée. En dehors de la clinique, d’autres situations m’ont touchée, particulièrement le fait de me retrouver face à des gens ayant faim.

 

…tu as eu envie d’arrêter ?

 

J’ai arrêté parce que j’ai l’âge et qu’il faut passer la main. Je n’ai jamais eu envie d’arrêter, car je ne faisais pas de la clinique toute la journée. J’ai eu des activités de santé publique, fait du travail de réseaux, des interventions collectives. Je me suis spécialisée dans la grande précarité, le décrochage scolaire… j’ai pu élargir ma pratique et sortir du cabinet. J’ai débuté pendant l’épidémie d’héroïne, puis le sida nous est tombé dessus. J’ai toujours eu de petites missions de santé publique, jusqu’à en faire à mi-temps.

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