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À l'automne 2024, la ministre de la Santé d'alors, Geneviève Darrieussecq, déclarait : « Le projet Ziwig incarne l'excellence française en matière d'innovation médicale ». Les ministres s'enchaînent, mais le soutien de l'État à l'Endotest reste sans faille depuis sa très médiatique présentation en février 2022.
Il se présente comme un test salivaire qui permet de diagnostiquer simplement l'endométriose à partir d'une technologie basée sur les micro-ARN et l'usage de l'intelligence artificielle.
Si ces promesses se concrétisent, le test de Ziwig marquera une avancée majeure : l'endométriose touche au moins une femme sur dix en âge de procréer et peut causer d'importantes douleurs et un risque élevé d'infertilité, avec une longue errance médicale avant le diagnostic.
Le bouleversement serait aussi scientifique : la découverte des micro-ARN dans les années 1990, récompensée par un Nobel en 2024, n'a encore jamais donné lieu à une réelle innovation pharmaceutique.
Dès la présentation de son test, Ziwig, basée à Lyon et cofondée par Yahya El Mir et Gilles Doumer, a vanté une « révolution » permettant « la détection précoce de toutes les formes d'endométriose, même les plus complexes ».
Un soutien politique et financier massif
Le gouvernement a vite embrayé. Moins d'un mois plus tard, il promouvait l'Endotest lors du dévoilement d'une stratégie nationale pour l'endométriose. Depuis, le test demeure au cœur du combat contre cette pathologie, symboliquement comme financièrement.
Au printemps, Catherine Vautrin, ministre de la Santé, se rendait dans le laboratoire de Ziwig, dans les Landes. Sur le site internet de Ziwig, elle promeut le test, chose inhabituelle dans le secteur des biotechs.
Surtout, depuis cette année, le test est remboursé pour de nombreuses patientes : l'objectif fixé par les autorités sanitaires est de 25 000 femmes, ce qui revient à un coût d'environ 21 millions d'euros pour l'Assurance maladie.
Pourtant, l'intérêt médical de l'Endotest reste à démontrer, estiment des chercheurs interrogés par l'AFP.
Ziwig s'appuie sur deux études : l'une, publiée début 2022 dans le Journal of Clinical Medicine, l'autre un an plus tard dans NEJM Evidence. Or, la première n'était « vraiment qu'un point de départ », résume le statisticien britannique Kevin McConvay. La seconde a permis « un pas en avant », mais ne suffit pas encore à valider l'efficacité du test.
Les échantillons restent limités : quelque 200 patientes avec de fortes suspicions d'endométriose, uniquement en France.
« Est-ce que l'on peut généraliser un outil qui a été basé sur une population seulement ? », interroge Bianca Schor, chercheuse en intelligence artificielle appliquée à la santé des femmes à l'université d'Amsterdam.
Le choix de la HAS
Comment un remboursement a-t-il pu être décidé dans ces conditions ? C'est la conséquence d'un choix de la Haute autorité de santé (HAS).
Fin 2023, elle a conclu que le test démontrait « des performances diagnostiques validées », tout en recommandant une étude indépendante pour confirmer l'utilité clinique.
Résultat : le test a été intégré au cadre du forfait innovation, un remboursement transitoire qui permet de soutenir certains dispositifs malgré des données encore jugées incomplètes.
Ce dispositif a connu des succès variables : il avait notamment bénéficié au cœur artificiel de Carmat, symbole d'une innovation française aujourd'hui en redressement judiciaire.
Le cadre défini par la HAS est plus restrictif que les promesses initiales de Ziwig. Au lieu d'une détection précoce, le test n'est envisagé qu'après des examens cliniques et d'imagerie infructueux, pour éviter une chirurgie.
Certains spécialistes s'étonnent du décalage entre les moyens publics attribués à Ziwig, alors que des laboratoires publics peinent à trouver des financements.
Ainsi, le forfait innovation de Ziwig devrait coûter à terme une vingtaine de millions d'euros, quand l'État n'a débloqué que 11 millions pour l'ensemble de la recherche publique sur l'endométriose.
Un déséquilibre délétère, selon Ludivine Doridot, professeure à l'Inserm : « Cela ne va pas aider d'autres sociétés à développer des technologies qui pourraient demain avoir un impact bénéfique ».
Le président de Ziwig, Yahya El Mir, défend la logique du forfait innovation : « Il n'y a aucun produit à l'échelle mondiale qui a cette qualité », affirme-t-il.
Il insiste sur la solidité méthodologique et précise que des revues scientifiques internationales sont sollicitées pour examiner les données, un processus qui « prend du temps ».
Du côté des patientes, l'association EndoMind milite pour une prise en charge élargie de l'Endotest.
Mais Arounie Tavenet, patiente et ancienne membre du comité national de stratégie contre l'endométriose, nuance : « On aurait pu espérer des processus accélérés pour ce qui est présenté comme une priorité nationale, plutôt que de soutenir exagérément l'évaluation d'un test salivaire qui éthiquement nous questionne et qui, in fine, ne représente pas une avancée majeure pour les patientes ».
Avec AFP