Baisse des tarifs hospitaliers : « Un massacre »

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C’est la douche froide pour les fédérations

Baisse des tarifs hospitaliers : « Un massacre »

Le ministère de la Santé a diffusé lundi les premiers chiffres de l’évolution des tarifs hospitaliers. Alors que les fédérations avaient alerté le Gouvernement sur la situation intenable des établissements, Agnès Buzyn a décidé une baisse des tarifs pour cette année. Les réactions sont à la hauteur de la déception. 

« Toute nouvelle baisse tarifaire serait très préjudiciable au système hospitalier et à la santé des Françaises et des Français. » Il y a dix jours, les présidents des fédérations hospitalières mettaient le Gouvernement en garde. Dans une tribune parue dans le JDD le 18 mars dernier, Frédéric Valletoux pour les hôpitaux publics (FHF), Lamine Gharbi pour le privé (FHP), Antoine Dubout pour le privé non lucratif (FEHAP) et Patrick Viens au nom des établissements de lutte contre le cancer (Unicancer) expliquaient que côté finances, « le point de rupture est proche ».

Leurs espoirs ont été douchés par les annonces du Premier ministre à l’Hôpital d’Eaubonne le 13 février lors de la présentation de sa réforme de transformation du système de santé. « Ces tarifs doivent être publiés dans deux semaines, avait-il lâché, mais je peux vous dire qu’ils sont en baisse ». Une annonce plus de deux semaines avant la date habituelle du 1er mars, c’est-à-dire avant même la fin des négociations avec les fédérations.

Des chiffres présentés le moins négativement possible

« On est tous d’accord sur la qualité et la pertinence des soins, mais le Premier ministre a commencé par nous annoncer une nouvelle baisse de tarifs, franchement en termes de concertation, il y a mieux », avait aussitôt réagi le président de la FHP Lamine Gharbi dans La Consult’ de What's up Doc. S’il y avait déjà de l’orage dans l’air, les précisions du ministère de la Santé ne vont pas arranger les choses.

Agnès Buzyn a fait connaitre dans un communiqué diffusé lundi les premières orientations des tarifs et dotations des établissements pour 2018. Si elle rappelle qu’il y a une progression des dépenses de la Sécu pour les hôpitaux de l’ordre de 2 %, soit 1,5 milliard d’euros de plus, la ministre confirme une baisse des tarifs des séjours de 0,5 %. La mesure est présentée le moins négativement possible, le communiqué expliquant que cette baisse « sera limitée », car plus favorable qu’en 2017 et 2016, années qui affichaient respectivement des baisses tarifaires de 0,9 % et 1 %.

Il faudrait que les hôpitaux suppriment 33 000 emplois

S’y ajoute une mise en réserve de 0,7 % au titre du coefficient prudentiel pour tous les établissements, « qui a vocation à être libérée en cas de respect de l’ONDAM (1) ». Au total, c’est une évolution de -1,2 % pour les hôpitaux publics. Un peu moins pour les cliniques privés (-0,9 %) mais un peu plus pour le secteur privé non lucratif (-1,7%). Dans un communiqué, la FHF dénonce « une mise sous tension insoutenable des établissements hospitaliers » et « regrette que ses alertes récurrentes (…) n’aient pas été entendues ».

La Fédération des établissements publics estime que pour afficher des comptes à l’équilibre fin 2018 il faudrait que les hôpitaux suppriment 33 000 emplois. « Ce qui est bien sûr inenvisageable », ajoute-t-elle. Elle demande ainsi au Gouvernement de s'engager à une « restitution intégrale des mises en réserve, dès lors que l’ONDAM des établissements de soins est respecté, comme c’est le cas chaque année. »

« Qu'a-t-on fait de mal ? »

Ces acteurs ont encore en mémoire qu'en décembre dernier, alors que les hospitaliers avaient respecté l’ONDAM pour 2017, Agnès Buzyn n’avait dégelé que 150 des 412 millions d’euros de crédits mis en réserve au titre du coefficient prudentiel, rappelle WUD. La FHF renouvelle donc cette année son voeu pieux. Côté secteur privé à but non lucratif, Unicancer remarque une baisse « relativement limitée, (…) ce qui montre que nos préoccupations ont été prises en compte », indique à l'APMnews Pascale Flamant, DG de la fédération des établissements de lutte contre le cancer.

Mais pour le président de la FEHAP, c’est la cata. Voire « un massacre ». Antoine Dubout a ainsi déclaré à l'APMnews : « On est encore sous le choc ». « Il y a une totale incompréhension (…) Qu'a-t-on fait de mal ? » s’interroge-t-il, pointant du doigt une herbe plus verte ailleurs, car la baisse appliquée ici est supérieure à celle d'autres secteurs. Les tarifs définitifs seront arrêtés d’ici la fin de la semaine, déclare le ministère. En attendant, les fédérations attendent de pied ferme les premières concertations pour la transformation du système de santé, seule chance de remettre de l’huile dans des rouages décidément bien enrayés.

(1) Objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Source:

Thomas Moysan

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