
Leonie Benesch dans En première ligne © TOBIS Film GmbH
Sans artifices, avec beaucoup de justesse et de rigueur, Petra Volpe, aidée par la formidable Leonie Benesch, allégorise un système de soins à bout de souffle et au bord de l'effondrement.
Une infirmière au travail. Voilà ce qu'il y a de plus beau dans les 90 minutes, prenantes et précieuses, d'En première ligne. Ici, point d'interview de professionnel de santé qui commente et analyse son épuisement ou celui du système. Juste un portrait en immersion - et, en creux, d'une institution - de quelqu'un qui fait son travail, du mieux qu'elle le peut, sans réellement se poser de question, pas le temps, trop risqué. Comme si remettre en cause ses conditions de travail et sa façon de tenter de s'y adapter constituait déjà un risque en soi, celui de partir et de tout lâcher.
Partira-t-elle, cette infirmière au regard et au verbe purs, qui répond pourtant à son patient inquiet qu'elle sera bien là, à son chevet, le lendemain? C'est le seul réel suspens sur lequel est bâti ce récit pourtant tendu de bout en bout, en dissonance avec la banalité - apparente - de ce qu'il décrit. Les soignants savent bien que chaque jour de travail est un scénario en train de s'écrire qui s'enrichira de ses imprévus, et que c'est à partir de ceux-ci que s'exprimera - ou pas - le plus concrètement leur professionnalisme. C'est sur cette trame quasi-ouvrière que Petra Volpe filme admirablement les gestes réalisés par une Leonie Benesch constamment appliquée et impliquée, et c'est à partir de cette trame que se collecteront les mini-événements de cette soirée, du plus anodin au plus tragique, jusqu'à la coagulation, l'embolie, l'asphyxie. Réactions temporaires et curables, probablement. Mais pour combien de temps encore, et jusqu'à quand ?
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Comme dans la Salle des Profs, l'actrice impressionne par sa capacité à incarner un personnage qui, à force de se retrouver devant un cumul d'impasses, va passer d'une quête de pureté - du geste, de l'attitude, dans son sens non pas moral mais éthique - à la tentative de conserver une humanité qui se craquelle. Elle l'accomplit de façon si juste et si universelle, par le biais le plus souvent de quelques modifications de l’expression faciale ou de son regard tellement profond, qu'elle finit par représenter l'ensemble d'une profession. Grâce à un récit direct, sobre et efficace, qui n'est encombré d'aucune fausse note, jusqu'à une dernière image bouleversante, Floria rejoint ainsi Souleymane et son histoire, ou encore la Julie d'A plein temps.