Le CNOM peut s’attaquer au PH, mais pas au PU

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Le CNOM peut s’attaquer au PH, mais pas au PU

Le Conseil d’État a annulé le vendredi 13 avril dernier la décision de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, qui avait sanctionné d’un blâme un PU-PH en novembre 2016 pour le libellé d’un sujet d’examen et une tribune pro-Dieudonné, jugés contraires à la déontologie.

Le 12 juin 2012, le Pr Christophe Oberlin — chirurgien orthopédique et traumatologue spécialiste de la main et professeur à l’université Paris Diderot — distribue à des étudiants de première année du deuxième cycle des études de médecine un sujet qui va faire polémique, lors d’une épreuve pour le « certificat optionnel obligatoire de médecine humanitaire ».

Deux griefs contre le Professeur

Voici l’intitulé de la quatrième question, diffusée sur le site Europe Israël (NDLR : un site connu pour relayer des fausses informations, selon Le Monde). Il s’agit d’une étude de cas de droit humanitaire : « Vous êtes à l’hôpital de Rafah, situé dans la bande de Gaza lors de la guerre de l’hiver 2008-2009. Des ambulances vous amènent 22 corps portant tous le nom d’Al-Daya. Les ambulanciers et les membres survivants de la famille vous déclarent qu’il s’agissait d’un bombardement classique. La mort de chacun d’entre eux a été constatée. »

S'en suit la question : « Quelle est ou quelles sont les qualifications des crimes perpétrés (crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide) ? Argumentez votre position en vous basant sur les définitions des différents crimes. »

Un soutien à Dieudonné

Pour situer ce médecin, le Pr Oberlin a publié le 10 janvier 2014 une tribune sur le site de Silvia Cattori, une journaliste suisse, militante pro-palestinienne. Dans son écrit intitulé « Interdiction de Dieudonné : La France qui dérape n’est pas celle qu’on nous montre du doigt ». Le praticien y déclare notamment : « Quand quelqu’un se fait photographier devant Auschwitz en faisant une quenelle, ça ne porte pas atteinte à ma dignité ni à celle de ceux qui sont morts en déportation. Par contre c’est un geste fort à l’encontre de tous ceux qui tentent de masquer les crimes d’Israël derrière les crimes nazis. C’est à eux que ce discours s’adresse. »

Déontologie, où es-tu ?

Selon la décision du Conseil d’État, le Conseil départemental de l’Ordre des médecins de Paris a porté plainte sur ces deux griefs : d’une part le libellé du sujet, d’autre part la tribune. Le 12 juin 2015, la chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France a sanctionné le Pr Christophe Oberlin d’un blâme, une peine professionnelle dont la gravité est supérieure à l’avertissement.

Selon l’APMnews, le juge ordinal a estimé que le Pr Oberlin avait « utilisé, pour promouvoir ses thèses sur le conflit israélo-palestinien, de jeunes étudiants en médecine soumis à une épreuve d’examen », contrevenant ainsi aux principes de moralité et de probité inscrits dans le Code de déontologie.

Les enseignants sont indépendants

Le PU-PH a fait appel de cette décision devant la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre, qui rejeté son pourvoi le 15 novembre 2016, appuyant ainsi la décision de première instance. Mais en janvier 2017, le médecin a porté l’affaire devant le Conseil d’État pour faire annuler la sanction de l’Ordre. Le Conseil d’État, qui a rendu son délibéré vendredi 13 avril, lui a donné raison.

La haute juridiction se base sur le Code de l’éducation — qui exprime dans son article L.952-2 que les enseignants-chercheurs « jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent (…) les principes de tolérance et d’objectivité ».

L’Ordre pas compétent pour juger

Elle cite également les termes de l’article L.952-22 du même Code, qui instituent une juridiction unique et nationale pour l’activité hospitalière et universitaire « des membres du personnel enseignant et hospitalier ». Au regard de ces éléments, le Conseil d’État a estimé que la plainte à l’encontre du Pr Oberlin n’était pas recevable.

Car si les PU-PH « sont susceptibles de faire l'objet de poursuites devant les juridictions de l'ordre dont ils relèvent pour tout fait lié à l'exercice de leurs fonctions, il n'en va toutefois pas de même pour ceux de ces faits qui seraient indétachables de leur activité universitaire, lesquels ne sont susceptibles de fonder régulièrement des poursuites que devant la juridiction spécialisée instaurée par l'article L. 952-22 du Code de l’éducation ».

Dans le cas du Pr Oberlin, la sanction prononcée par l’Ordre portait « exclusivement sur la connotation politique du libellé d'un sujet d’examen », et donc cela « n'était pas détachable des fonctions d'enseignement (du Pr Oberlin) en sa qualité de professeur des universités ». L’affaire est ainsi renvoyée devant la chambre disciplinaire nationale. PUPH Christophe Oberlin 1 - Ordre 0.

Source:

Thomas Moysan

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