"Qu'il y ait un médecin près, c'est commode !", lance souriante Odette Fiadens, 93 ans, qui serre affectueusement la main du généraliste assis à ses côtés, devant le fourneau de sa cuisine.
Son "ancien docteur est parti à la retraite", sa fille vit à Toulouse, à près d'une heure en voiture, et "il n'y a personne" à Fabas, son village, pour la conduire. Alors elle est "bien contente" que des généralistes viennent chez elle depuis le centre de santé, ouvert l'été dernier à une dizaine de kilomètres.
Nicolas Vojinovitch et Béranger Irondelle, médecins formés à Toulouse, se sont connus pendant leur internat en Ariège. Ayant grandi à la campagne, l'un dans le Lot-et-Garonne, l'autre en Corrèze, ils rêvaient de retrouver cet environnement et d'ouvrir une maison médicale dont ils seraient salariés.
Après deux ans au CHU de Toulouse, Nicolas Vojinovitch, 34 ans, voulait exercer en milieu rural où "il y a une vraie médecine de famille". Pour lui en outre, "le salariat permet de consacrer tout son temps de travail à la médecine, de se libérer des tâches administratives, de comptabilité, de gestion".
"Le seul médecin que nous avions (...) a pris sa retraite en décembre" 2022
"Quand on est en ville, il y a plus une tendance de consommation de soins, de médicaments (...) moins d'urgences puisqu'il y a un service pour ça. A la campagne, c'est beaucoup plus diversifié, donc pour moi plus intéressant", ajoute Béranger Irondelle, 33 ans.
Alors lorsqu'ils ont entendu parler du projet de Sainte-Croix-Volvestre, village de 650 habitants qui ne disposait plus de praticien à moins de 20 km, ils n'ont pas hésité.
"Le seul médecin que nous avions (...) a pris sa retraite en décembre" 2022, précise à l'AFP le maire Jean Doussain. Pour la pharmacienne, Hélène Pédeboscq, "la situation était assez catastrophique (...) On n'avait pas accès à un médecin pour un conseil, un avis" pendant plus de six mois.
La communauté de communes envisageait d'ouvrir une maison médicale pour les quelque 2 000 patients du secteur. Encore fallait-il trouver des praticiens.
"Un soir, se souvient le maire, nous avons reçu l'appel de ces deux médecins intéressés (...) D'abord, on s'est demandé si c'était un canular !"
Puis le projet s'est "articulé" avec le programme de la région Occitanie de lutte contre les déserts médicaux, visant à salarier 200 professionnels à moins de 15 minutes des patients.
"Tout s'est accéléré", se félicite Jean Doussain. Le centre de Sainte-Croix a été le premier à ouvrir en juillet, dans un préfabriqué de 180 m2, en attendant le futur bâtiment, qui doit être aménagé sur 300 m2 à l'horizon 2024.
"Rencontrer les gens dans leur lieu de vie, c'est toujours très instructif parce qu'il y a ce qu'ils disent de leur état physique" et "un lien fort" s'établit
Un après-midi par semaine est consacré aux visites à domicile des patients qui ne peuvent se déplacer. "Rencontrer les gens dans leur lieu de vie, c'est toujours très instructif parce qu'il y a ce qu'ils disent de leur état physique, mais aussi tout (...) ce qu'on peut comprendre en venant chez eux" et "un lien fort" s'établit, apprécie Béranger Irondelle.
Le reste du temps, outre les gardes, les médecins consultent de 8h00 à 18h00 ou de 9h00 à 19h00 au centre, où les a rejoints une généraliste spécialisée en gynécologie. Comme les deux secrétaires, ils sont salariés du Groupement d'intérêt public (GIP) associant région, collectivités locales et universités. Trois infirmières et trois kinésithérapeutes en libéral complètent l'équipe.
"Actuellement, il y a neuf centres de santé en Occitanie. On a pour projet d'en ouvrir dix autres d'ici fin 2023", précise Floriane Normand, l'une des coordinatrices régionales du programme, admettant que certaines zones sont difficiles à pourvoir du fait du "manque de médecins au niveau national".
Dans la salle d'attente, Jean-Philippe François, éducateur de 49 ans, ne cache pas sa satisfaction : "Quand vous avez un médecin qui est à plusieurs dizaines de kilomètres et déjà saturé, c'est compliqué d'avoir un rendez-vous".
"C'est difficile de faire venir des médecins en milieu rural, regrette-t-il. Pourtant, il y a de la vie à la campagne !"
Avec AFP