Oubliez la petite officine de proximité avec son pharmacien patelin et sa déco rétro ! Pousser la porte de la Grande pharmacie de Fleury, c’est entrer dans un monde où la technologie le dispute à l’innovation. Les clients prennent un ticket et attendent que leur numéro s’affiche au-dessus de l’une des dix caisses. En coulisse, un robot distribue les médicaments vendus au comptoir, tandis qu’un autre s’occupe de gérer les commandes des Ehpad du coin. Et si la situation le demande, les employés orientent le chaland vers un espace de téléconsultation installé en novembre dernier dans une zone de confidentialité située au fond de l’établissement.
Il faut dire que la démographie médicale est plutôt tendue à Fleury. Sur les trois généralistes que compte cette commune de 11 000 habitants, deux ont décidé de partir sous d’autres cieux dans quelques mois, comme l’expliquent nos confrères du Parisien. Et les habitants peinent déjà à obtenir des rendez-vous. C’est le cas de Tiphany, habitante de la commune voisine de Grigny venue à la pharmacie parce qu’elle pense avoir une conjonctivite. « Je n’arrive pas à trouver de médecin traitant », se désole cette jeune infirmière puéricultrice qui trouve que la téléconsultation est une solution « pratique quand c’est pour des choses bénignes ».
Même son de cloche chez Jocelyne, employée dans un restaurant situé en face de la fameuse maison d’arrêt de Fleury. Son médecin traitant a prescrit un antihypertenseur qui se trouve être en rupture de stock… puis est parti en vacances. « J’ai besoin d’une nouvelle ordonnance et les
autres médecins ne prennent plus de nouveau patient, alors je trouve que la téléconsultation est bien commode », se réjouit-elle.
Obligés d’aller à Paris
D’ailleurs, si Marianne Lechertier, patronne de la pharmacie, s’est lancée dans la télémédecine, c’est parce qu’elle entendait répondre à un besoin. « Toute la journée, nos clients se plaignent, ils disent qu’ils n’ont plus de médecin, qu’ils sont obligés d’aller à Paris ou aux urgences même pour une otite, explique-t-elle. Donc dès que j’ai appris que la téléconsultation allait être prise en charge, ça a fait tilt. » La pharmacienne s’est donc aussitôt mise à comparer les offres, les plateformes, le matériel… Elle a aussi passé pas mal de temps avec son banquier, car entre les travaux, l’abonnement à la plateforme, et le temps que ses équipes doivent consacrer à la télémédecine nécessite, il s’agit pour elle d’un investissement lourd.
Et pour l’instant, Marianne est très contente du résultat. « Nous avons fait environ 250 consultations depuis le début, et nous sommes la première pharmacie de France sur notre plateforme », indique-t-elle. Côté financier, elle demande une participation de 7 euros à ses patients, et entend bien bénéficier des téléprescriptions effectuées par les médecins. Et si elle reconnaît que pour l’instant, les dépenses engendrées par le projet sont loin d’être amorties, elle a confiance dans l’avenir. « C’est un réel atout, cela fait parler de la pharmacie, et c’est une réelle motivation pour les équipes, estime-t-elle. Nous faisons des gestes pour lesquels nous sommes formés mais que nous n’avons pas l’habitude de faire : être les mains du médecin, c’est génial ! »
Bientôt sept cabines au lieu d’une
D’ailleurs, Marianne n’entend pas s’en tenir à une seule cabine. Dès que la banque aura donné son accord, elle entreprendra des travaux pour consacrer tout un espace de sa pharmacie à la téléconsultation, dans lequel elle installera pas moins de sept stations. Elle est également en train de recruter un soignant tout spécialement chargé d’accueillir les patients avant la téléconsultation, de prendre leurs constantes, de gérer les éventuels problèmes de connexion, etc. Elle compte également utiliser cet espace pour remplir les nouvelles missions de santé publique qui seront confiées aux pharmaciens, à commencer par la vaccination antigrippale en officine qui démarrera en Ile-de-France à l’hiver 2019-2020.
Et les patients dans tout ça ? Ils s’en réjouissent, mais nourrissent encore certaines craintes vis-à-vis de la téléconsultation, qui reste avant tout à leurs yeux du dépannage. Quand on demande par exemple à Tiphany si elle aurait opté pour ce système pour un problème de santé concernant sa fille, elle secoue la tête. « Bien sûr que non », réplique-t-elle avant d’expliquer que la petite a la chance d’être suivie par un pédiatre « par piston » (le médecin en question joue au foot avec son mari). Et si c’était un problème sérieux la concernant ? « Alors j’irais à Paris, voir le médecin qui me suivait avant que je déménage dans l’Essonne. » Parce qu’on a beau dire, la téléconsultation a du bon, « mais on préférerait qu’il y ait des médecins ici ».