Éducation thérapeutique : à Nice, un podcast pour inciter au don d'organes

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Comment se déroule une greffe rénale ? Comment s'opère la communication entre chirurgiens, donneurs et greffés ? Quel est le rôle de l'équipe paramédicale ? L'institut méditerranéen de santé et de recherche en urologie (IMSRU) dévoile son premier podcast sur la question, un véritable reportage in situ pendant une greffe rénale, conduite par l'équipe du Dr Matthieu Durand (par ailleurs fondateur de Whats's up Doc), urologue, et le Dr Laetitia Albano, néphrologue. Ce podcast a vocation à devenir un véritable outil d'éducation thérapeutique innovant. 

Éducation thérapeutique : à Nice, un podcast pour inciter au don d'organes

 

What's up Doc. Cette greffe de reins, que relate votre podcast, est-elle une opération courante ? 

Dr Matthieu Durand. La greffe de donneurs est une opération qui n’est pas des plus fréquentes, malheureusement. Cela nécessite d’avoir un donneur potentiel à la fois sur le plan organique, sans négliger le côté humain : il faut que quelqu’un de l’entourage du greffé souhaite faire ce don. Cela explique aussi la raison pour laquelle nous avons choisi de développer cet outil, ce podcast, qui n’est pas fréquent dans le monde médical. Le but est de faire vivre par la voix d’un patient et d’un donneur cette journée opératoire qui est l’aboutissement de tout un parcours. Cela permet à des gens qui vont subir cette chirurgie ou qui se pose encore la question de savoir s’ils vont le faire, de mieux anticiper cette opération. 

WUD. Entre le donneur et le greffé il y a toute l’équipe soignante. Pourrais-tu nous parler de ces personnels ? 

Dr M. D. Cette opération est l’aboutissement de tout un circuit qui commence au départ par un suivi néphrologique, pour dépister les patients qui pourraient bénéficier d’un greffe, pour cause d’insuffisance rénale. Il faut les inviter à envisager cette opération, et à trouver un donneur parmi leurs proches. Avant l’opération, le parcours du donneur vivant peut durer plusieurs années. On ne le décide pas du jour au lendemain, pour le mois d’après. Cela nécessite de trouver le donneur, de faire beaucoup d’examens biologiques pour s’assurer de sa compatibilité, de faire des examens d’imagerie pour s’assurer de la faisabilité de l'opération, ainsi que toute une batterie de procédures administratives, pour être sûr qu’une personne qui n’est pas malade, le donneur, soit opéré, et pris en charge par la sécurité sociale. Il faut aussi contractualiser avec le donneur, pour le don de son organe. Tout le long de ce parcours, il faut aussi mentionner la présence d’une personne clé qui est le/la coordinateur.rice du parcours des greffés. Chez nous, c’est une infirmière. Son rôle est d’accompagner et d’expliquer tous les rendez-vous que ce couple donneur/receveur va devoir honorer jusqu’au jour J de la greffe. 

Le but est de faire vivre par la voix d’un patient et d’un donneur cette journée opératoire

WUD. La coordinatrice du parcours de soins est aussi présente en aval ? 

Dr M. D. Une fois que la greffe a eu lieu, l’équipe de chirurgie surveille le donneur et le greffé. Le donneur doit normalement sortir de l’hospitalisation assez rapidement. Le greffé va rester un peu plus de temps sous surveillance des néphrologues, et des urologues, car il faut ensuite mettre en place son traitement anti-rejet. Nous, les urologues nous allons nous effacer, jusqu’à la prochaine consultation. La coordinatrice va elle aussi prendre ses distances, parce qu’elle est moins utile, une fois que l’opération a eu lieu. 

WUD. Quels sont les autres membres de l’équipe médicale ou paramédicale qui peuvent interagir lors de cette greffe ? 

Dr M. D. Le jour même de l’opération, il y a toute l’équipe technique et chirurgicale. Il faut savoir qu’il y a deux salles opératoires : l’une où l’on prélève, et l’autre où l’on greffe. Il y a donc l’anesthésiste et son infirmier.e anesthésiste dans une salle, et une Iade dans l’autre salle, le médecin anesthésiste se déplaçant d’une salle à l’autre. Sur chacun des deux sites, il y aura un infirmier de bloc opératoire, ainsi qu’un chirurgien et son aide, dans chacune des salles. Toutes ces personnes ne sont pas toutes simultanément dans les salles, les deux équipes (donneur vs greffé) se succèdent. 

WUD. Combien de temps dure cette opération ? 

Dr M. D. Le prélèvement dure une heure et demi à deux heures et la greffe dure environ une heure à une heure et demi.

WUD. Combien de greffes réalisez-vous chaque année ? 

Dr M. D. On réalise environ une centaine de greffes chaque année, de tout type de greffe de reins. Nous avons en plus une quinzaine de patients avec donneurs vivants. 

WUD. Cette opération est-elle compliquée ?

Dr M. D. Si je parle du prélèvement, réalisé avec une chirurgie robotique, techniquement ce n’est pas parmi les plus difficiles, mais elle reste délicate, car il y a une dissection artérielle fine à opérer. Elle peut être stressante car nous opérons quelqu’un qui n’est pas malade. Côté greffes, elle est parmi les plus difficiles car les vaisseaux artériels sont assez courts, et il est plus compliqué d'avoir suffisamment de matière pour greffer. 

WUD. Ce podcast était une première. Cela a-t-il été compliqué de devoir gérer une équipe journalistique dans un bloc opératoire ? 

Dr M. D. Le bloc opératoire est un endroit fermé qui ne doit pas s’exposer pour des raisons sanitaires et de confidentialité, qui paraissent assez évidentes. Donc ce n’est jamais facile d'avoir une équipe de journaliste. Nous avions donc une seule journaliste présente, qui faisait aussi la prise de sons. Elle interviewait les différents professionnels après qu’on lui a dit où elle avait le droit d’aller. Ça s’est très bien passé, car cette journaliste a su poser des questions pertinentes aux personnels, qui avaient eux-mêmes été préparés à sa venue. Le but était de faire un podcast le plus complet possible pour les futurs patients. 

WUD. Ce podcast a pour vocation de rassurer les futurs donneurs potentiels sur le don d’organes. Les professionnels de santé peuvent-ils trouver un intérêt thérapeutique à son écoute ? 

Dr M. D. Je ne pense pas car il est vraiment focalisé sur le vécu des patients. Mais l’on aurait pu tourner autrement ce podcast pour qu’il ait vocation à informer ou former les professionnels de santé. 

Le but était de faire un podcast le plus complet possible pour les futurs patients

WUD. Chaque année nous sommes sensibilisés à la pénurie de dons d’organes, êtes-vous aussi concernés au CHU de Nice ? 

Dr M. D. Bien sûr, nous subissons aussi la chute de dons d’organes de l’an dernier de 20 à 30%, qui est incompréhensible eu égard aux nouvelles législations qui se mettent en place. C’est bien dommage. 

WUD. Ce podcast, c’est aussi un appel au dons d’organes….

Dr M. D. Oui, nous espérons pouvoir contribuer au dons d’organes, et faire mieux connaitre cette intervention. J’espère que cet outil va inciter certains patients à envisager une greffe, en cas d'insuffisance rénale. 

 

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