« Je suis parti travailler à 13 h, j’ai embrassé ma femme, et je me suis fait tirer dessus en visite. J’aurais pu ne pas revenir »

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Dr Mathieu Hermann est un médecin généraliste chez SOS Médecins à Mulhouse (68) de 33 ans. Dans notre Gros Dossier, Soigner sous tension, violence ordinaire contre les médecins, il témoigne, de son agression et comment on gère l'après.
 

 

« Je suis parti travailler à 13 h, j’ai embrassé ma femme, et je me suis fait tirer dessus en visite. J’aurais pu ne pas revenir »

© DR.

« C’était il y a trois ans, un samedi après-midi en visite à domicile pour SOS Médecins. Alors que je m’apprête à sortir, le compagnon d’une patiente me lance : "T’as intérêt à rester ici parce que sinon je vais te tirer dessus, j’en ai rien à foutre !"

D’un coup le type se lève puis revient avec un fusil. Il me met en joue à bout portant, avec, entre nous, deux mètres seulement. Je recule. Il m’insulte et me menace. J’arrive à attraper la poignée, j’ouvre la porte, et au moment de m’extraire du domicile, derrière moi il baisse son fusil et me tire dans la cuisse. Par chance, c’était un fusil à plomb mais impossible de faire la différence avec une vraie arme dans ce contexte…

Ce jour-là, je me suis dit : "Purée, j’ai eu chaud !". Je suis parti travailler à 13 h, j’ai embrassé ma femme et j’aurais pu ne pas revenir, juste parce que j’ai fait mon boulot…

« Ça a créé chez moi une sorte d'anxiété : la peur d'y retourner »

Je me suis senti bien accompagné, par la police, mais aussi par les médecins de SOS, par l’Ordre des Médecins, par mes proches. 

Tout cela a été très médiatisé. En 48 heures j’ai reçu des centaines de SMS, des dizaines de coups de fil…

J’ai ressenti un vrai soulagement qu’il n’y ait rien eu de plus grave mais ça m’a fait prendre conscience d’un risque, ça a créé chez moi une sorte d’anxiété : la peur d’y retourner. 

Cela a été très compliqué pour moi de retrouver mon insouciance. J’ai arrêté quelque temps d’exercer de nuit, et je me suis même posé la question d’arrêter les visites avec SOS Médecins, tout court… 

J’ai amorcé un long travail avec mon psychologue. C’est lui qui m’a appris les techniques pour désamorcer un conflit. J’avais décidé de le consulter parce que je ne voulais pas que cet acte de violence me définisse ou reste en moi comme un poids. Cette thérapie a été ultra bénéfique.

« Depuis cet événement, en visite à domicile, je suis attentif quand quelqu’un quitte une pièce »

Avant, j’étais un peu plus tête brûlée, plus sûr de moi, mais pas au péril de ma vie. Depuis cet événement, en visite à domicile, je suis attentif quand quelqu’un quitte une pièce, et je ne laisse plus personne me passer dans le dos. Dans ma pratique, j’ai décidé de moins me prendre la tête et surtout, dans ma vie privée, je profite plus de mes proches.

J’ai eu besoin de donner un peu plus de sens à ce que je faisais, alors je me suis lancé dans un DU d’échographie. Et depuis, malgré cet événement marquant, aujourd’hui, je me sens aligné, je suis ultra satisfait du boulot que je fais. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/magazine/70

Je tiens à dire qu’exercer à Mulhouse, c’est très agréable et 99 % de nos patients sont hyper sympas et reconnaissants. Ils ont d’ailleurs été très touchés par mon histoire !

C’est bien qu’on parle de la violence envers les soignants, il ne faut surtout pas la banaliser mais il faut rappeler qu’elle reste heureusement minoritaire. »

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