IA : vers un nouvel équilibre des rapports public-privé

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L’avenir du DMP en question

IA : vers un nouvel équilibre des rapports public-privé

Le président de la République tenait jeudi 29 mars un discours sur la stratégie française en matière d’intelligence artificielle, après avoir reçu le rapport de Cédric Villani. Pour alimenter la recherche et attirer les meilleurs chercheurs, Emmanuel Macron a annoncé une série de mesures qui pourraient transformer les rapports entre les acteurs privés et les institutions publiques en France.

« L’excellence de notre recherche sera le terreau de nos champions industriels futurs », a déclaré le président de la République il y a quelques jours. Emmanuel Macron avait réuni les acteurs de la recherche et de l’économie numérique au Collège de France pour lancer sa stratégie sur l’IA « au service de l’humain ». Derrière l’opération de communication portée par le hashtag « #AIforHumanity », le chef de l’État a annoncé de nombreuses mesures pour soutenir l’innovation dans l’IA.

Son but : faire de la France le fer de lance de l’expérimentation dans le domaine en vue de rattraper les géants américains et chinois. Parmi les annonces, l’ouverture des données aux opérateurs privés ou la possibilité pour les chercheurs financés sur deniers publics de travailler davantage en parallèle pour des entreprises. Le discours du président de la République s’appuie sur le rapport du mathématicien et député de l’Essonne Cédric Villani, qui potasse le sujet depuis 6 mois avec une feuille de route précise : « Donner un sens à l’intelligence artificielle pour une stratégie nationale et européenne ».

Les répondants favorables « à l’utilisation de leurs données personnelles »

Parmi les préconisations de la mission parlementaire, le renforcement du mode de collecte de la donnée, nerf de la guerre de l’IA. Dans un sondage Médiamétrie commandé  et cité par les rapporteurs, il est indiqué que près des deux-tiers (65 %) des répondants s’estiment favorables « à l’utilisation de leurs données personnelles à des fins de recherche, d’intérêt général ou, marginalement, pour qu'on leur propose des services personnalisés ».

Forte de ce constat, la mission ne passe pas par quatre chemins. Pour Cédric Villani, « alors que la numérisation des autres disciplines scientifiques posait jusqu’ici surtout des problèmes techniques (comme l’enregistrement, la manipulation et le stockage de données, massif ou non), l’arrivée de l’IA définit des problématiques qui nécessitent une collaboration très étroite entre spécialistes ». 

Rattraper les Chinois, lâcher la déontologie

Le mathématicien encourage en effet l’effacement de la frontière entre recherche publique et recherche privée, pour amplifier les « échanges académie-industrie ». Le chef de l’État lui va plus loin, et propose d’augmenter « drastiquement la porosité entre la recherche publique, indispensable, et le monde industriel. » Dans la loi pour un Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) portée par le ministre de l’économie Bruno le Maire, l’exécutif va introduire la suppression du passage obligatoire devant la commission de déontologie et autorisera un chercheur public à consacrer jusqu’à la moitié de son temps à une entité privée « alors qu’aujourd’hui c’est plafonné à 20 % », s’est enthousiasmé le Président.

Pour Emmanuel Macron, l’argent n’est pas nécessairement la raison première pour laquelle les têtes chercheuses françaises partent à l’étranger. Les cerveaux formés en France - la mission Villani précise que la formation dans l’Hexagone en matière d’IA est d’excellence - vont innover dans les pays anglo-saxons car ils y trouvent « une souplesse » dans l’organisation du travail qui n’existe par en France.

Pour une France « open bar »

Parmi les mots-clés du président, la « fertilisation croisée » revient souvent, notamment pour encourager la naissance d’un « écosystème » européen fort. « Nous allons procéder a une ouverture proactive de nos données », a-t-il déclaré dans son discours au Collège de France jeudi. Les secteurs prioritaires ? La santé, le transport, l’environnement ainsi que la défense et la sécurité.

Avec malice, il évoque une France jacobine et centralisatrice souvent visée par la critique mais qui bénéficie grâce à cela aujourd’hui de structures organisées, où il n’y a plus qu’à se baisser pour récolter les données. Le chef de l’État veut notamment ouvrir les données de santé des bases informatiques de l’Assurance Maladie. « Nous avons des bases de données centralisées massives qui nous offrent l’opportunité de nous positionner à la pointe de l’IA dans certains secteurs », a-t-il poursuivi. 

Plus de privé, plus d’efficacité ?

Dans les semaines à venir, l’exécutif veut encourager la création de plateformes de partage de données pour asseoir cet « écosystème » tant désiré. Le dossier médical partagé (DMP) — dont la Sécu parle depuis 2010 et qui permettra aux professionnels de santé de voir en un coup d’oeil le détail du parcours de soins d’un patient — n’est toujours pas sorti de terre.

La ministre de la Santé a évoqué une généralisation du DMP pour l’automne 2018. Les acteurs privés qui auront accès aux données des Français — de façon anonyme promet le président - pourraient bien prendre les devants de l’institution publique. Une petite révolution ?

Source:

Thomas Moysan

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