Empoisonnement des Antilles à la chlordécone, responsable de cancers de la prostate, vers un non-lieu

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L'ancien ministre de l'Agriculture Louis Mermaz a été entendu par des juges d'instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris dans l'enquête sur l'empoisonnement des Antilles au chlordécone, a-t-on appris mardi 1er février de source judiciaire, confirmant une information de Franceinfo.

 

MAJ : Les juges d'instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris ont prononcé le 25 mars la fin des investigations sans mise en cause dans l'enquête sur l'empoisonnement des Antilles au chlordécone, a appris l'AFP, ce mardi 5 avril, de sources proches du dossier.

Deux juges d'instruction parisiennes ont annoncé aux collectivités et associations plaignantes leur intention de clore ce dossier sans prononcer de mise en examen, l'orientant ainsi vers un non-lieu. Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990, selon Santé publique France.

Empoisonnement des Antilles à la chlordécone, responsable de cancers de la prostate, vers un non-lieu

"Au printemps 1992, Louis Mermaz avait signé en tant que ministre une dérogation autorisant la poursuite de l'emploi du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, malgré son interdiction légale en février 1990", est-il indiqué sur le site internet de la radio.

Ministre de l'Agriculture (1990-1992) sous la présidence de François Mitterrand, il a été auditionné le 22 juillet dernier, a précisé à l'AFP la source judiciaire.

Selon Me Harry Durimel, avocat en partie civile et maire de Point-à-Pitre en Guadeloupe, M. Mermaz a assuré ne jamais avoir entendu parler du chlordécone, ni été sollicité sur l'utilisation de ce pesticide.

En 2006, plusieurs associations martiniquaises et guadeloupéenne avaient déposé trois plaintes pour empoisonnement, mise en danger de la vie d'autrui et administration de substance nuisible.

Une information judiciaire avait été ouverte deux ans plus tard, mais en janvier 2021 les juges d'instruction ont annoncé à plusieurs parties civiles que les faits étaient probablement prescrits dans leur grande majorité.

Deux mois plus tard, Rémy Heitz, alors procureur de Paris, avait estimé dans un entretien au quotidien France Antilles que "la grande majorité des faits dénoncés était déjà prescrite" dès le dépôt des plaintes en 2006.

En avril, des avocats d'association avaient contesté la possible prescription des faits en déposant un mémoire s'appuyant sur des "points de procédure, de jurisprudence et d'évolution du droit".

"Postérieurement à cette note, l'ancien ministre a été auditionné, ça confirme notre optimisme quant au fait que l'on ait pu convaincre les magistrats instructeurs de poursuivre leurs investigations, ce qui paraît nécessaire dans ce dossier", a réagi auprès de l'AFP l'un des avocats en partie civile, Me Rachid Madid.

"J'ai le sentiment que les magistrats, au-delà de nos appréhensions, ont la volonté de parvenir à la manifestation de la vérité", a souligné Me Durimel.

La possible prescription de l'action publique a suscité indignation et colère dans les Antilles.

La collectivité territoriale de Martinique avait annoncé en octobre se constituer partie civile dans l'information judiciaire, dénonçant "un scandale d'état sanitaire, avec des répercussions mortifères sur (la) population".

Le chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation ministérielle jusqu'en 1993, a provoqué une pollution importante et durable.

Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

Les cancers de la prostate liés à l'exposition au chlordécone ont été reconnus comme maladie professionnelle en décembre, ouvrant la voie à l'indemnisation d'exploitants et ouvriers agricoles.

Avec AFP

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