A Lyon, un hôpital militaire entre survie et transition

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Des couloirs vides, du personnel inquiet et désœuvré, un projet stratégique qui réduira encore la voilure : l'hôpital militaire Desgenettes, établissement historique de l'Est lyonnais, semble à bout de souffle.

A Lyon, un hôpital militaire entre survie et transition

En cet après-midi de décembre, le grand hall d'accueil, flanqué de deux immenses fresques campant le baron Desgenettes, prestigieux médecin militaire sous Napoléon, sonne creux. Derrière les vitres des portes battantes - fermées - conduisant jusqu'en 2018 au service de réanimation, c'est aussi le grand noir : les lieux servent d'entrepôt.

« A l'époque, ça fonctionnait à plein régime, c'était un hôpital vivant ! », se remémore une agente hospitalière, la cinquantaine, embauchée en 2014, désignant le bout du couloir pour montrer jusqu'où attendaient les patients admis aux urgences, transformées en avril en consultations non programmées.

« La dégringolade remonte à 2018, avec la fermeture de la ‘réa’. Cela dit, jusqu'à la visite de la ministre, on avait encore espoir. Mais ça a été l’ascenseur émotionnel... », raconte-t-elle.

Le 21 octobre, Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, vient en effet annoncer la « transformation » de l'Hôpital d'instruction des armées (HIA) Desgenettes, transféré dans l'est de la ville en 1947, en « antenne hospitalière des armées (AHA) d'ici fin 2023 ».

Fonctionnant en ambulatoire seulement, cette antenne sera installée dans un bâtiment secondaire abritant aujourd'hui le service psychiatrie et traitera notamment le stress post-traumatique des soldats.

Alors que la patientèle civile représente 80% de l'activité de Desgenettes, débouché naturel des élèves l'École de santé des armées de Bron (Rhône), le recentrage sur les seuls besoins militaires entraînera une drastique réduction d'effectifs, d'environ 400 (220 militaires, 190 civils) à 120.

Les personnels « qui n'armeront pas » la nouvelle AHA, seront « réaffectés » dans « les hôpitaux ou centres militaires des armées » et les personnels civils « accompagnés » pour trouver « un nouveau poste soit au sein » du ministère, soit en lien avec les établissements civils « partenaires (...) en fonction de leur projet professionnel », explique le ministère.

Une « cellule RH » dotée de 6 M EUR doit être créée et un décret ministériel sur le premier volet de cette restructuration est attendu fin décembre.

« Mon projet professionnel ? Rester ici »

« Mais qui voudra d'une aide-soignante de 50 ans, cassée de partout ? », s'insurge Pascal Lecapitaine, délégué CGT, admettant toutefois que les statuts de fonctionnaires protègent d'un licenciement.

 « Mon projet professionnel ? Rester ici jusqu'à la retraite. Ma famille est ici, on n'est pas des pions qu'on déplace comme ça... », corrobore l'agente. Ses collègues de psychiatrie confirment - seule la plus jeune ne s'inquiète pas car « il y a pénurie d'infirmières ».

L'avenir du site aurait été plus riant si le partenariat avec les Hospices civils de Lyon (HCL) signé fin 2017 dans le cadre de la réforme du Service de santé des Armées (SSA) visant à réduire les coût en maintenant un haut niveau de soins, avait connu meilleure destinée.

Il prévoyait notamment le transfert à Desgenettes de l'hôpital Henry Gabrielle de St-Genis-Laval (médecine physique de réadaptation), à quelques kilomètres. Mais « les HCL ont renoncé en octobre 2020 à cette implantation », selon le ministère. Contactées, ni les HCL, ni la ville de Lyon, qui en préside le conseil de surveillance, n'ont souhaité commenter.

Ce partenariat s'est en revanche concrétisé en sens inverse : des services (orthopédie, ORL, viscérologie, réa...) et une cinquantaine de soignants militaires de chirurgie et soins critiques ont été transférés à l'hôpital Édouard Herriot, à proximité, pour former des équipes civilo-militaires. De là, certains continuent de partir en mission sur les théâtres d'opérations extérieures.

« Mais selon les spécialités, la greffe n'a pas toujours pris », explique un médecin en « réa » d'Edouard Herriot. Par exemple, « au moins trois » chirurgiens digestifs sont partis. « Là, nos équipes n'ont pas fait forcément tous les efforts pour les intégrer ». En « réa », en revanche « nous partageons la même culture ».

Que vont, à terme, devenir les 18.000 m2 du bâtiment principal de Desgenettes ? Son « potentiel de valorisation » est à l'étude, selon le ministère, qui a « proposé » aux collectivités d'en discuter. Une partie pourrait toutefois continuer à servir « aux besoins de la base de défense ».

Avec AFP 

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