Grève des urgences : non à « l’esclavagisme moderne »

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Le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Elargi aux autres spécialités (SNPHARE) et SAMU-Urgences de France (SUdF) soutiennent la grève des services des urgences. Ils publient les résultats d’une enquête sur les conditions de travail des praticiens hospitaliers.

Grève des urgences : non à « l’esclavagisme moderne »

Ce n’est pas la signature d’un accord à l'hôpital Cochin il y a une semaine qui a remis en cause une tendance de fond : la grève des services des urgences (SU) s’étend de jour en jour. Preuve en est : les infirmiers et les aide-soignants du CHU de Bordeaux ont rejoint ce lundi le mouvement de grève national.
 
Dans le cas où ceux-ci seraient à courts d’arguments, ce dont on doute tant la liste des dysfonctionnements est longue dans les SU, le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Elargi aux autres spécialités (SNPHARE) et SAMU-Urgences de France (SUdF) viennent de publier les résultats d’une enquête nationale sur les conditions de travail des praticiens hospitaliers exerçant dans les services d'urgences. Une manière de rappeler que, si les médecins n’ont toujours pas rejoint le mouvement de grève, ils le soutiennent.
 

Naufrage programmé inéluctable

 
Pour les deux syndicats, « le naufrage programmé des structures d’urgences qui préfigure celle du modèle du service public hospitalier Français paraît inéluctable. (…) Les conditions de travail ne sont plus tenables pour le personnel médical et paramédical des Samu, des Smur et des Services d’Accueil des Urgences », précise le communiqué daté 13 mai qui appelle à la fin de « l’esclavagisme moderne ».
 
Qu’apprend-t-on dans cette fameuse étude qui a interrogé 1092 urgentistes ? Premier constat, les effectifs médicaux des structures de médecine d’urgence (Service des urgences, Samu- Centre 15 et Smur) sont sous-dimensionnés au regard de leurs activités et d’un référentiel professionnel du SUdF. Les équipes sont complètes dans 85 % des cas, si bien que 30 % des médecins urgentistes déclarent que leurs collègues ont quitté le navire durant les trois dernières années.
 
Deuxième constat de l’étude : le temps de travail hebdomadaire, limité à 48 heures par la réglementation européenne, n’est pas respecté : 83 % des médecins urgentistes travaillent au-delà de cette limite pour assurer le fonctionnement des services. De plus, de nombreux directeurs d'hôpital bafouent la réglementation : 61 % d’entre eux n’ont en effet pas contractualisé ce temps de travail.

Charge de travail accrue

Last but not least : une pénibilité accrue aux horaires de la permanence des soins. « La charge de travail est significativement augmentée la nuit et les week-ends témoignant d’une désorganisation de notre système de soins », constate l’étude. Deux tiers des médecins assurent plus de six gardes par mois et 46 % des urgentistes travaillent trois jours de week-end par mois, voire quatre dans 31 % des cas.
 
Enfin, les Samu-Centre 15 sont insuffisamment dotés en personnels : le nombre de médecins régulateurs serait insuffisant pour 65 % des répondants, précise l’étude. A titre d’exemple, il n’y aurait qu’un médecin par nuit pour 50 % des répondants.

Une véritable crise sanitaire

 
Conclusion du SUdF et du SNPHARE ? Les équipes de soins n’ont plus les moyens humains et matériels en adéquation avec leurs missions de plus en plus pesantes : « Les praticiens, les soignants et leurs patients subissent au quotidien une véritable crise sanitaire », précise le communiqué qui rappelle que les sources d’épuisement sont multiples.
 
Elles sont « liées au temps de travail, aux rythmes de travail de nuit et de week-end, aux plages horaires mouvantes, à la saturation des urgences, à la difficulté à trouver des lits d'aval… mais aussi aux violences psychologiques et parfois physiques. »
 
C’est la raison pour laquelle les deux syndicats « soutiennent la mobilisation actuelle des urgentistes », tout en déplorant que « l’absence de bienveillance et de clairvoyance de nos décideurs est dramatique : les objectifs budgétaires priment sur ceux de qualité et de sécurité des soins. La situation est intolérable et cet « anachronisme de l’intolérable » jamais ne peut l’emporter et doit immédiatement cesser. »
 

Un plan Macron pour les urgences ?

 
Enfin, SUdF et le SNPHARE interpellent directement Emmanuel Macron en demandant un plan pour les urgences : « Monsieur le Président, un plan Macron pour les Urgences s’impose à la hauteur de vos engagements pour la France, pour que les urgentistes ne soient plus les funambules d’un système de soin abandonnique, pour que l’Hôpital Public retrouve sa place en tant que pilier de la République… »
 
Et de conclure : « L’avant-garde de l’hôpital et souvent du système de soins vous alerte sur cette nécessité historique. L’Hôpital Public brûle à petit feu, les soignants sont sacrifiés sur l’autel d’une finance aveuglée par l’activité et une tarification désuète. »
 

​Le collectif Inter-urgences rencontre les députés 
Le collectif Inter-urgences, qui rassemble des professionnels des services des urgences en grève en Ile-de-France et dans d'autres régions, a rencontré la semaine dernière les députés Olivier Véran (LREM) et Thomas Mesnier (LREM). Le collectif a émis la piste d’une prime de 300 euros net mensuels. Mais aussi d’une NBI (nouvelle bonification indiciaire) à 20 points et d’une indemnité forfaitaire de risque, qui concerne aujourd'hui certains types de structures, comme les unités pour malades difficiles (UMD). L'ensemble reviendrait à environ 190 euros brut, soit 150-160 euros net.

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