AME : huit personnes sur dix éligibles n’y ont pas recours

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Alors que le futur de l’aide médicale d'Etat sera débattu au Sénat à partir du 6 novembre, L’ONG Médecins du monde vient de publier ce mercredi un rapport portant sur le dispositif de soins réservé aux sans-papiers dont les résultats vont à l'encontre des discours souvent entendus sur la question. 

AME : huit personnes sur dix éligibles n’y ont pas recours

© iStock

L'AME, couverture intégrale des frais de santé accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois, divise le gouvernement. A la manœuvre, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin envisage de "supprimer" le dispositif pour le "transformer en aide médicale d'urgence", à la faveur de son texte qui sera débattu à partir du 6 novembre au Sénat.

Sur le terrain, "parmi les personnes éligibles à l'aide médicale d’État, près de 87% n'ont pas de droits ouverts en France, preuve s'il en est de la complexité de son obtention", écrit Médecins du monde dans son rapport annuel consacré à ce dispositif, qui compte 400 000 bénéficiaires, pour un coût d'environ 1,2 milliard d'euros.

Pour arriver à ce constat, l’ONG s'est appuyée sur l'échantillon de 17 093 personnes accueillies en 2022 dans ses quatorze centre de soins et d'orientation, fréquentés à 98% par des immigrés.

La "réalité est loin des discours hystériques et manipulateurs autour de ce dispositif de santé publique", estime le Dr Jean-François Corty, vice-président de MdM, en référence aux propos de la droite et de l'extrême droite qui réclament chaque année une restriction drastique du dispositif.

"50% des personnes accusent un retard de recours aux soins" et "80% ont des vraies maladies qui nécessitent une prise en charge rapide", explique-t-il. "Le dispositif AME n'est pas abusif, il répond à des standards de prévention nécessaires et utiles."

Le "non recours" décrit par l'ONG est surtout le fait de la "méconnaissance du dispositif" de la part d'étrangers "qu'on accuse pourtant de vouloir en profiter", commente pour sa part Nadège Drouot, coordinatrice pour la région Lorraine.

Cela peut même concerner "des personnes en France depuis des années, soit parce qu'elles n'ont jamais été malades, soit parce qu'elles se sont débrouillées par automédication", selon elle.

Au final, même quand elles connaissent l'AME, "plus de 20% des personnes renoncent aux droits en raison de la complexité administrative pour y accéder", rapporte la responsable.

Le gouvernement divisé

"D'un point de vue sanitaire, dire qu'il faut supprimer l'AME au profit d'un dispositif d'urgence, ça n'a pas de sens", reprend le Dr Corty.

C'est pourtant la position que défend Gérald Darmanin. La proposition ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi gouvernemental : elle a été ajoutée par amendement par la commission des Lois du Sénat, contrôlé par la droite.

Mais celle-ci satisfait le ministre, qui s'y est dit favorable "à titre personnel" et y voit une concession pour rallier les LR derrière son texte.

"En plus, ce que proposent les LR et centristes est quand même tout à fait acceptable : vaccination gratuite, femmes enceintes soignées, pathologies urgentes soignées", a-t-il assumé mardi, selon son entourage.

Un "vrai désaccord", avait alors déclaré la semaine précédente le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, neurologue de profession et ancien ministre de la Santé. L'AME, dont le nombre de bénéficiaires fait office d'estimation du nombre de sans-papiers en France, "ne constitue pas un appel d'air", a-t-il martelé.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/sept-personnes-sur-dix-sans-droit-de-sejour-ont-renonce-aux-soins-alertent-les-associations

La Première ministre Élisabeth Borne, encore récemment sur cette ligne, juge désormais "légitime de réinterroger" le dispositif. Elle a diligenté une mission en ce sens, confiée à deux personnalités politiques, Patrick Stéfanini, marqué à droite et Claude Evin, marqué à gauche.

Ils devront rendre un pré-rapport le 2 novembre. Soit quatre jours avant l'ouverture du débat parlementaire.

Avec AFP

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