«Les fruits et légumes sont un marqueur social, les inégalités se reflètent dans le domaine alimentaire»

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"Les inégalités sociales de santé se reflètent dans le domaine alimentaire", avertit l'épidémiologiste et professeure en nutrition Chantal Julia, qui travaille à Bobigny dans le laboratoire de l'Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l'université Sorbonne Paris-Nord, où est né le Nutri-Score il y a presque cinq ans.

«Les fruits et légumes sont un marqueur social, les inégalités se reflètent dans le domaine alimentaire»

Quelles ont été les conclusions de votre étude menée en 2015-2017 sur l'impact de bons d'achats sur la consommation de fruits et légumes dans des foyers modestes à Saint-Denis ?

Chantal Julia : Nous avons fait un essai randomisé dans des familles pour tester l'effet de coupons, type « bons de réduction », destinés à l'achat de fruits et légumes. Ils correspondaient en valeur à l'équivalent d'une portion par jour et par personne dans le foyer. Nous avons suivi 64 familles avec enfants pendant un an, principalement monoparentales. La moitié des familles recevaient des coupons, d'autres non. Au bout d'un an, on a pu montrer une augmentation de la consommation déclarée de fruits et légumes chez les enfants dans le groupe recevant les coupons.

L'achat de fruits et légumes est liée à la perception d'un frein économique majeur. Ces aliments sont perçus comme chers parce qu'on les associe souvent à des fruits et légumes frais. Or dans le cadre d'une alimentation équilibrée même surgelés ou en conserve, ils comptent quand même. Cette étude comportait aussi un volet accompagnement, via des ateliers de cuisine, de trucs et astuces, de découvertes.

Quelles habitudes alimentaires se dégagent des foyers précaires ?

C. J. : Deux grandes études nationales ont été menées en 2004-2005 et 2011-2012, auprès des bénéficiaires de l'aide alimentaire. Dans ces foyers, la consommation de fruits et légumes est très faible par rapport au reste de la population. Seuls 7% d'entre eux atteignent les recommandations de cinq fruits et légumes par jour contre 40% dans la population générale.

Les fruits et légumes sont vraiment un marqueur social parce que c'est pour cet indicateur qu'il y a la plus grande différence entre les populations les plus vulnérables et la population moyenne. A l'inverse, ces familles ont tendance à consommer davantage de produits gras et sucrés, de boissons sucrées. Ces habitudes alimentaires sont moins favorables à la santé.

Les inégalités sociales de santé se reflètent énormément dans le domaine alimentaire. Pour beaucoup cette situation est subie, on ne peut pas considérer qu'il s'agit d'un choix personnel. Avec la crise sanitaire, la question est de savoir dans quelle mesure le fossé entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas atteindre les repères alimentaires s'est creusé.

En quoi le Nutri-Score peut-il aiguiller les ménages dans leur consommation ?

C. J. : Le Nutri-Score, qui indique la composition nutritionnelle du produit par un logo apposé sur son emballage (d'un A vert synonyme de bon équilibre nutritionnel à un E rouge pour les produits moins équilibrés qu'il ne faut pas consommer trop souvent, NDLR), a été développé spécifiquement en gardant en tête les personnes en situation de précarité. Il a été conçu pour être le plus simple possible, pour que ceux qui n'ont pas de connaissance en nutrition puissent s'en emparer et se sentir mieux informés sur la composition des aliments.

Avec AFP

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