Accompagnement, proximité familiale, incitation financière… Ce qui pousse vraiment les généralistes à s’installer, expliqué par les premiers concernés

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Alors que la question de l’installation est régulièrement remise sur la table par les gouvernements successifs, trois syndicats d’étudiants, d’internes et de jeunes médecins ont listé dans un rapport commun les véritables critères qui influencent les jeunes généralistes dans leur installation.

Accompagnement, proximité familiale, incitation financière… Ce qui pousse vraiment les généralistes à s’installer, expliqué par les premiers concernés

© Midjourney x What's up Doc

La présentation imminente du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2025) prédit des débats parlementaires agités sur les questions d’accès aux soins. 

Afin de guider les échanges, l’ANEMF (qui représente les étudiants en médecine), l’Isnar-IMG (internes de médecine générale) et ReAGJIR (jeunes généralistes) ont publié mardi un rapport qui met en lumière les déterminants du projet professionnel des futurs médecins généralistes. 

« On entend tout et son contraire, ce rapport est là pour balayer les idées reçues » qui persistent sur la question de l’installation, explique Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG.

La proximité familiale figure parmi les critères les plus importants pour 60% des internes interrogés, selon ce rapport qui concentre des études qualitatives déjà existantes sur la question. 

Et cela vaut pour toutes les générations de médecins interrogées. « Seuls les pourcentages varient, l’ordre des déterminants reste le même », complète Bastien Bailleul.  

Ainsi, la proximité géographique par rapport aux attaches familiales reste un critère déterminant pour 69% des moins de 40 ans, de la même manière que pour les 40-60 ans (68%) et les plus de 60 ans (69%).

Vient ensuite la présence de services publics dans le territoire pour 57% d’entre eux. « C’est l’attractivité du territoire, soit tout ce qu’il propose en termes d’offre culturelle, de possibilités d’emploi pour le conjoint et de scolarité pour l’enfant »

Quant aux aides financières (type bourses), qui sont régulièrement décrites comme indispensables pour s’installer, elles « représentent un plus, sans pour autant être particulièrement déterminantes ».

L’enquête de la DREES de 2021 auprès des jeunes médecins allait déjà dans ce sens, révélant que les incitations financières et matérielles ne jouaient un rôle dans l’installation que pour 20% d’entre eux. 

Exposition au territoire

En revanche, « les jeunes médecins ont envie de connaître le territoire dans lequel ils vont s’installer ». Et cela passe, selon le président de l’Isnar-IMG, par l’exposition répétée à ce territoire, notamment pendant les stages d’internat. 

« Un interne de médecine générale qui réalise un stage pendant sa première année d’internat sera plus enclin à en faire d’autres dans ce même territoire. Il va créer son réseau professionnel en fonction des spécialistes autour, mais aussi se faire des amis, peut-être trouver un ou une compagne… En somme, il va s'ancrer dedans », explique Bastien Bailleul.

Et pour le syndicat qu'il représente, cette exposition passe aussi par le développement de la formation universitaire, notamment en créant des antennes dans les zones dépourvues de faculté de médecine. 

« Cela permettrait de recruter des étudiants issus des alentours en leur permettant de suivre un cursus sans qu’ils soient déracinés », ce qui favoriserait leur poursuite d’exercice dans ces mêmes territoires. 

À Vichy (Allier), une première année d’études de santé avait ouvert dans cette perspective il y a quelques années. « C’était super parce qu’il y avait pleins d’étudiants avec des profils très différents, qui venaient parfois de secteurs alentours particulièrement ruraux, explique Bastien Bailleul.

« Le problème, c’est qu’une fois la première année en poche, ils devaient partir poursuivre leur cursus médical à Clermont-Ferrand », dans l’université de rattachement située à 60 kilomètres de là. « Alors que si on avait développé le concept jusqu’au bout, on leur aurait permis de vivre tout leur cursus à Vichy et de s’installer après dans les territoires qu’ils connaissent », poursuit-il.

L’accompagnement doit être au centre de la démarche

Dans son discours de politique générale prononcé la semaine dernière, Michel Barnier a promis la mise en place d’un nouveau programme « Hippocrate » d’engagement volontaire pour les internes, afin qu’ils aillent exercer temporairement en zone sous-dotée. 

Cette annonce est survenue après la proposition de loi de la députée MoDem Géraldine Bannier, visant à instaurer une année obligatoire dans un désert médical dès l’obtention du diplôme, ce qui avait fait bondir les syndicats d’étudiants.

Dans l’idée, le programme Hippocrate n’est « pas mauvais » pour Bastien Bailleul, « du moment qu’on remet l’accompagnement au centre de la démarche, pas comme avec le CESP »

Le contrat d’engagement de service public (CESP), instauré en 2009, prévoit une rémunération précoce aux étudiants et internes qui s’engagent à exercer, à la fin de leurs études, dans un territoire déficitaire. Un « super dispositif » qui a néanmoins été « gâché », selon lui, par le manque d’accompagnement.

« 80% des étudiants qui y ont souscrit n’ont pas eu d’accompagnement personnalisé par un tuteur, alors que cela faisait partie du contrat. Et sur les 20% restants, très peu le voyaient régulièrement », ce qui expliquerait son succès en demi-teinte.  

Car l’importance de l’accompagnement du jeune médecin dans son installation est également un point soulevé par les associations et syndicats à l’origine du rapport. 

« C’est une demande faite depuis longtemps, parce qu’un jeune médecin quand il s’installe, il doit solliciter pleins d’interlocuteurs : la ville, le département, l’Urssaf… Des choses que l’on n’apprend pas à la fac », explique Bastien Bailleul.

Si la création des guichets uniques départementaux en 2023 devait justement répondre à cette problématique, « son déploiement dans les territoires n’est toujours pas effectif à l’heure actuelle », notent les syndicats. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/reguler-linstallation-des-medecins-la-comparaison-avec-le-cas-allemand

Le PLFSS 2025 a été discuté ce matin en conseil des ministres et doit être présenté fin octobre à l’Assemblée nationale. 

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