Le temps qui trotte

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Ciné week-end: La Vie des Gens, de O. Ducray (sortie le 4 mars 2015)

Le temps qui trotte

Au début, on ne la voit pas. Ou alors de loin, à trottinette sur les trottoirs de la belle ville de Lyon. On pénètre avec elle dans les intérieurs typiquement lyonnais, comme dans un autre temps. Puis on entend sa voix, haut perchée, à la fois énergique et apaisante. Puis certains gestes infirmiers, souvent très simples, vite faits bien faits, elle n'a pas de temps à perdre, toujours entre deux rendez-vous, d'ailleurs on l'appelle l'étoile filante, ou la flèche...Les patients, filmés avec une empathie pudique (jamais le réalisateur, dont c'est le premier film, n'intervient dans la narration, préservant l'authenticité de ces tableaux successifs), lui parlent, puis nous parlent d'elle, de son rôle essentiel bien que nécessairement bref. 

Puis enfin on la voit. En gros plan. Elle nous mène, l'air de rien, vers le coeur de son métier. Avec des mots très simples, à la hauteur de son humilité, elle nous fait comprendre la dimension sacerdotale que cela représente, les heures qu'elle ne compte pas, le temps qu'elle étire à la fois paisiblement et dans une urgence constante. L'infirmière des villes est comme le médecin des champs. Un exercice professionnel voué à se raréfier de par son incompatibilité avec les nouveaux modes de vie. Prosaïquement, elle aborde l'accompagnement vers la mort, le dédramatise, elle qui considère comme une victoire la fin de vie sans passer par la case hôpital.

Devant tant d'humanité, on oscille entre admiration et inquiétude. Tranquillement, sans coup de gueule, le film invite à ne pas sacrifier une population qui, étrange paradoxe, croît au fil des années. Car ce que ces patients réclament par dessus tout, un maintien à domicile synonyme de dignité et de sécurité, ne semble guère possible sans l'énergie et le dévouement de toutes ces Françoise. Alors que ne cessent de pulluler toutes ces structures censées aider la personne âgée en la déracinant!

Un film qui invite à panser le soin...

Source:

Guillaume de la Chapelle

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