Gynécologues médicaux : le grand écart démographique

Article Article

JFs cherchent praticiens désespérément

Gynécologues médicaux : le grand écart démographique

La gynécologie médicale est décimée. Les effectifs de praticiens sont en chute libre, et ceux exerçant en secteur 1 sont de plus en plus rares. Alors que quelques villes sont très bien dotées, il est impossible de trouver un praticien dans d’autres.

Ivry-sur-Seine, 60 000 habitants, pas de gynécologue en libéral. Aulnay-sous-Bois, 83 000 habitants, même combat. En Île-de-France, la démographie hors obstétrique est catastrophique, comme le pointe Le Monde à travers une enquête publiée ce mercredi. Dans de nombreuses communes, il y a moins de 5 gynécologues pour 100 000 habitants.

En une dizaine d’années, les départs à la retraite non remplacés se sont multipliés. À tel point qu’il est désormais compliqué, voire impossible, de trouver un gynécologue médical qui accepte de prendre de nouvelles patientes pour du suivi.

Les généralistes s’y collent

« A Bezons, il n’y a plus qu’un seul praticien, proche de la retraite, qui ne prend plus de nouvelles patientes », explique à What’s up Doc le Dr Camille Ansart, médecin généraliste dans un centre de santé de la ville du Val-d’Oise qui compte près de 30 000 habitants. « Une gynécologue est présente au centre une journée par semaine, essentiellement pour assurer le suivi des patientes après un fibrome ou un cancer ».

Ce sont donc les médecins généralistes – pourtant souvent débordés –, comme Camille, qui prennent le relai pour assurer la contraception, la prévention, la prise en charge des soins et les autres actes de gynécologie médicale. « Avec le bouche à oreille, les patientes savent que je fais du suivi gynécologique. Ce n’était au début qu’une petite part de mon activité, mais la gynéco représente maintenant la moitié de mes consultations », souligne-t-elle.

Prêtes pour 16 ans de galère ?

La situation est compliquée en Île-de-France, mais pas seulement. À l’exception de quelques zones réduites préservées de la pénurie – 29 praticiens pour 100 000 habitants à Paris, et 67 à Neuilly-sur-Seine ! –, la plupart des territoires français sont sinistrés, avec une moyenne nationale de 10 praticiens pour 100 000 habitants.

La faute à l’Europe ! En 1987, la France a cessé de former des gynécologues médicaux, spécialité non reconnue en UE. Le manque de formation a duré jusqu’en 2003, créant au passage un vide abyssal que nous ressentons maintenant. « Certains ont estimé à l’époque que les gynécologues obstétriciens allaient tout faire », se rappelle le Dr Pia de Reilhac, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM), interrogée par WUD.

Les anciens partent

Depuis 2003, des cliniciens sont de nouveau formés, « mais après 16 ans sans formation, on en paie le prix. Avant, 130 à 140 gynécologues médicaux étaient formés chaque année. Quand le DES a été rétabli, ils n’étaient plus que 20. Cette année, ils sont 66 ou 67. Ce sera très loin de couvrir les départs à la retraite », estime Pia De Reilhac.

Quelles solutions ? L’implication des sages-femmes dans le suivi non pathologique est une bonne chose, estime la présidente de la FNCGM. Du moment que les limites de leur intervention sont bien claires. « Nous aimerions aussi que les généralistes fassent plus de gynéco, mais on sait qu’ils sont déjà débordés », regrette-t-elle. Certains, comme Camille Ansart – qui a passé un DU de gynécologie médicale –, s’impliquent fortement pour palier la pénurie. D’autres le font par nécessité, avec une formation moins poussée.

Et ça n’est pas fini !

C’est surtout la prévention qui pâtit de la pénurie. L’information pour les patients passe plus par les réseaux sociaux et Internet que par la voix médicale, les IST sont en recrudescence… « Ce matin encore, j’ai reçu une patiente de 44 ans qui, malgré plusieurs grossesses, n’avait jamais eu de frottis de sa vie… Le renoncement aux soins est réel, et ce genre de cas risque de se multiplier ».

La démographie des gynécologues médicaux risque de se dégrader jusqu’en 2023, au moins. En 2014, en Île-de-France, 41 % des praticiens estimaient probable la cessation de leur activité dans les 5 ans, d’après les résultats de l’enquête Demomed. C’est équivalent à la baisse enregistrée ces dix dernières années.

Ce qui est rare… est cher ?

Dans son enquête, Le Monde souligne qu’en plus des difficultés d’accès à un gynécologue médical, le rendez-vous pourrait coûter cher. Seuls 38,5 % d’entre eux appliqueraient les tarifs du secteur 1.

Dans les 100 plus grandes villes, c’est 45 % des 3 000 gynécologues y exerçant qui demandent 60 euros pour une consultation standard, le double du tarif Sécu. À Paris, il faut compter en moyenne 70,30 euros, et les consultations les plus onéreuses peuvent atteindre 150 euros. Et dans le public, les consultations privées sont en moyenne à 56 euros, mais 87 à Paris.

La gynécologie fait partie des spécialités qui pratiquent le plus de dépassements d’honoraires, rappelle le Monde. Néanmoins, elle est aussi l’une des moins bien rémunérées. D’après le rapport des bénéfices non commerciaux moyens en 2016 des médecins libéraux publié par la Carmf, elle figure en 4e position en partant du bas du classement (après la gériatrie, l'endoc' et la bio), avec un peu plus de 50 000 euros par an de revenus nets (62 000 en secteur 2). C’est moins que les généralistes (75 000), et bien moins que la moyenne des libéraux (90 000).

Cette année, certains actes ont été réévalués (MCS, frottis cervico-vaginal, avis ponctuel de consultant, première consultation contraception ou prévention), et deux autres sont prévues pour 2018 (Prise en charge urgente, et à nouveau l’avis ponctuel). Les patients auront peut-être un peu moins de reste à charge.

Source:

Jonathan Herchkovitch

Les gros dossiers

+ De gros dossiers