Alcool : l’Académie nationale de médecine s’inquiète

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Alarmée par la stagnation de la consommation d’alcool en France, l’Académie Nationale de Médecine a publié, le 29 avril, un communiqué de presse. Elle décrit cette tendance comme une “défaite majeure pour la santé publique”.

Alcool : l’Académie nationale de médecine s’inquiète

Dans un communiqué de presse publié le 29 avril dernier, l’Académie Nationale de Médecine (ANM) alerte sur le niveau de consommation d’alcool en France. Il est stable. Bonne nouvelle, direz-vous. Pas vraiment, car depuis le milieu du siècle dernier, son taux n’avait cessé de baisser. Or, en 2017, l’alcool était autant consommé qu'en 2013 (1). L’ANM titre son communiqué : « Alcool problème majeur de santé publique, cause de 41 000 décès en France, L’Académie nationale de médecine appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures plus fortes » et ajoute qu’il est la « première cause de mortalité évitable chez les 15-30 ans ». Tout est dit. Ou presque. 

Plus bas dans le communiqué, l’Académie rappelle que, dès 2012, elle « mettait en garde contre le ralentissement de la baisse de consommation d’alcool en France et l’affaiblissement continu de la loi Evin sous la pression du lobby alcoolier ». Ce dernier freine le mouvement, en refusant de faire de la prévention efficace ou en trainant des pieds, malgré les enjeux de la consommation de leurs produits. Par exemple, au sujet du logo d’avertissement pour les femmes enceintes, “les discussions pour l’agrandir et le contraster s’enlisent depuis des années”

Bras de fer entre médecins et lobbies

De plus, les lobbies alcooliers ont de nombreux alliés influents. Par exemple, Audrey Bourolleau, conseillère agriculture, pêche, forêt et développement rural. Son CV est assez alcoolisé, d’ailleurs : ex-déléguée générale de Vin & Société, passée chez Heineken et les vins Rothschild. L’industrie de l’alcool tente, tant bien que mal, de minimiser les enjeux et les risques sanitaires liés à la consommation d’alcool. Une des opérations les mieux réussies par le lobby du vin a été ce que l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie (ANPAA) qualifie de « french paradox ». Selon elle, le lobby du vin « a brodé pendant plusieurs décennies sur un mythe, celui de la protection de la santé des Français par un régime à base de vin ». 

En 2009, la loi Evin avait déjà été assouplie, en autorisant la publicité d’alcool sur Internet (support médiatique très utilisé par les jeunes). Puis, en 2016, elle a autorisé la promotion d’alcool selon des critères objectifs. C’est-à-dire décrire la boisson sans incitation à consommation, mais plutôt avec des informations factuelles. Donc, « Goûtez-moi cette bière, c’est la meilleure », non. Mais « Notre bière Machin Truc™ est faite comme au XVIe siècle », ça passe. La nuance est dans la législation, qui profite bien aux industries de l’alcool. 

Autour de la table à l’apéro sont présents … 

Et de l’autre côté du panneau publicitaire ? Les Français sont réceptifs au marketing des industriels, mais partagent-ils leurs valeurs ? Pas vraiment. D’après un sondage réalisé par Opinion Way pour la Ligue contre le cancer, l’opinion publique va dans le sens des institutions qui recommandent plus de mesures encadrant les boissons alcoolisées. Plus de neuf Français sur dix souhaitent plus de prévention auprès des jeunes et 7 sur 10 sont favorables à une interdiction totale de publicité sur les produits alcoolisés. Mais les lobbies ne s’inquiètent pas vraiment. ils ont un ambassadeur de taille : Emmanuel Macron. Au grand dam des médecins, le Président de la République assume aimer le vin, midi et soir. Il est allé jusqu’à déclarer au Salon de l’Agriculture 2018 : « Tant que je serai président, il n’y aura pas d’amendement pour durcir la loi Evin. » Avec un tel porte-parole, les viticulteurs ont de quoi sabrer le champagne.

Source:

(1) Éditorial, F. Bourdillon, Santé Publique

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