Une MSP dans ma 6-T

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Quand ils m’ont mis la fièvre

Une MSP dans ma 6-T

Le rapport Borloo sur les quartiers prioritaires rappelle que les déserts médicaux ne sont pas une affaire exclusivement rurale. Les zones urbaines tentent elles aussi de retenir et d’attirer les médecins.

Dessine-moi un désert médical : des champs, un petit village isolé, des vieilles maisons en pierre, un médecin de campagne, le seul à quelques dizaines de kilomètres à la ronde, 70 ans, qui cherche à tout prix un remplaçant avant de prendre sa retraite.

Copie à revoir ! Les déserts médicaux sont aussi urbains ! Et parmi eux, les quartiers dits « sensibles » sont particulièrement touchés. Parce qu’ils sont peuplés, parce qu’ils sont peu attractifs, parce qu’ils sont isolés, et parce que grâce (à cause ?) de la pénurie de médecins, les cabinets de ces zones se vident peu à peu de leurs stéthos. Et les jeunes qui pourraient s’y installer n’ont que l’embarras du choix ailleurs, et c’est souvent ailleurs qu’ils portent leur choix.


Résultat : les professionnels de santé sont deux fois moins nombreux dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) qu’autour, et les médecins spécialistes 3,2 fois moins (1), alors que du côté des patients, les besoins sont forts. La prévalence du diabète y est par exemple 71 % plus élevée, et le risque de décès avant 75 ans est double (2).

Prévention défaillante, manque de praticiens de proximité, peu de moyens de déplacement : la population est mal soignée, repousse les soins et se rend aux urgences hospitalières (quand elle le peut). Tout ce dont Agnès Buzyn ne veut pas !

Les Mureaux se sont lancés

Dans son rapport Vivre ensemble, vivre en grand pour une réconciliation nationale, commandé par Emmanuel Macron, Jean-Louis Borloo souhaite que des investissements soient réalisés dans ces quartiers prioritaires. Et la santé fait partie des priorités. Proposition principale : la création de « 200 centres et maison de santé supplémentaires, dans ou à proximité des QPV ». La pluriprofessionnalité et la vocation à la prévention des MSP s’y prêtent tout particulièrement.

Et certaines n’ont pas attendu Jean-Louis Borloo pour se lancer. Le 14 mai, une grosse structure a été inaugurée aux Mureaux (Yvelines). Elle est en réalité ouverte depuis décembre 2017, avec neuf généralistes, deux remplaçants, des internes, cinq infirmières, une pédicure podologue, trois psychomotriciennes, deux psychologues et une conseillère conjugale et familiale, rapporte Le Quotidien du médecin. Le tout à proximité d’une pharmacie et d’un centre radiologique. Une belle opportunité pour les habitants de cette commune de 30 000 habitants, dans laquelle la plupart des généralistes approchent de l’âge la retraite.

Comme à la maison

Plus près encore des QVP, c’est même au coeur de la cité qu’un autre projet de MSP mûrit, dans le quartier de Montanou, à Agen (Lot-et-Garonne). Des médecins locaux sont partis à la retraite, laissant derrière eux un vide jamais comblé. « Trois médecins sont partis à la retraite et n’ont jamais été remplacés », déplore dans Sud Ouest le Dr Yves Mercier, dernier généraliste du quartier. « Les besoins sont très importants, surtout dans un quartier où les revenus sont autant dans le rouge et où avoir une voiture est un luxe ». Un centre médico-social, aux effectifs limités, est bien là, aux pied des immeubles, mais ne suffit pas.

Le projet de maison de santé a été validé par ses financeurs (agglomération, département, région) début mai. Ils ont mis un million d’euros sur la table. Reste à trouver un groupe de professionnels de santé motivés et acceptant de s’installer dans un quartier difficile. Les convaincre sera la mission d’Yves Mercier et d’un petit groupe de soignants, qui a accepté de prendre part au lancement du projet, pour ne pas laisser un quartier totalement dépourvu, le jour où ils prendront leur retraite. La MSP devrait ouvrir en 2020, à la place d’un ancien gymnase détruit.

(1) Statistiques extraites du rapport de Jean-Louis Borloo : Vivre ensemble, vivre en grand pour une réconciliation nationale.

(2) Étude ARS Grand-Est (2015) : Strasbourg-Port du Rhin

Source:

Jonathan Herchkovitch

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