Double inversé de La guerre est déclarée, le film fait vivre un décalage culturel qui n'est pas inintéressant, même s'il se laisse submerger par une forme banale, geste d'autant moins excusable qu'il lui confère une consensualité de surface brouillant un message presque provoc'.
Satoshi est un film simple, qui conte une infinie douleur, mais simplement. La famille est unie, les réactions de chacun sont aisément compréhensibles et identifiables, l'empathie est immédiate et constante, les enjeux ne sont jamais complexes. Rien dans le secret des coeurs ne jaillira à la surface. Les dialogues reflètent avant tout, tels une restructuration cognitive en mouvement, la volonté de chacun de rassurer l'autre, singulièrement la mère, la seule dont l'émotion est constamment lisible, bien que le jeu de l'actrice soit le plus figé d'entre tous - une certaine vision de la douleur, probablement, mais aussi de la maternité.
Satoshi est également un parcours médical, une accumulation de consultations, d'examens, on sent ça et là affleurer une révolte, un sentiment d'injustice, mais les scènes s'enchaînent si vite que jamais un vécu ne se déploie réellement. Satoshi est un film qui repose, et qui implique chez le spectateur de puiser dans ses propres craintes, sa propre affectivité, pour en écrire le sous-texte. Il n'y est pas obligé, le film étant d'une politesse constante, qui peut hérisser ou au contraire inciter à se sentir plus libre de se confronter à ce qui reste difficilement représentable.
En cela, Satoshi est un film ténu, un geste de cinéma volatil, qui ramène de la délicatesse dans des situations où l'hyperbole est si souvent de mise. On pense bien sûr à la Guerre est déclarée, qui tord la mécanique hystérisante du mélo américain jusqu'à l'extrême pour en exsuder finalement quelque chose d'à la fois opposé et semblable, de l'ordre de la saturation, celle qu'implique nécessairement la tragédie. Sauf que non, Junpei Matsumoto s'y refuse, tout comme probablement le vrai Satoshi Fukushima, premier professeur d'université sourd et non voyant. Il pose sa caméra et réalise un film qui se développe en creux, dans des à-côtés brefs mais d'une grande beauté, illustrations presque naïves du discours limpide de son héros, très justement incarné à deux âges de sa vie, et qui pourrait se résumer ainsi : il y a toujours de la place pour autre chose que la souffrance.