PMA : « il faut nous faire confiance »

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La législation, une mère protectrice qui étouffe le praticien

PMA : « il faut nous faire confiance »

Le 17 mars dernier, 130 médecins ont co-signé une tribune dans Le Monde pour protester contre la législation sur la PMA qui les met en porte-à-faux avec leurs patients. What’s Up Doc a voulu en savoir plus sur le ressenti du praticien face à ces grossesses difficiles, et a contacté certains des signataires dont nous vous livrons un premier témoignage.
 

Les questions de PMA touchent à l’intime. Si les patients sont les premiers concernés, les médecins qui les accompagnent le sont aussi. Interlocuteurs privilégiés de ces cas si uniques, ils sont bien souvent démunis face au désespoir de leur patient. En cause, une législation qui les force parfois à diriger des couples vers les pays étrangers.

C’est cette situation qui a poussé 130 praticiens à signer, dans le courant du mois dernier, une tribune dans Le Monde où ils demandaient un assouplissement de la loi pour leur permettre de venir en aide aux patients en détresse. Ils pointaient notamment du doigt un retard certain sur nos voisins européens. Quatre points ont été mis en exergue : l'auto-conservation des ovocytes pour convenance (interdit en France, autorisée notamment au Royaume-Uni), le cruel manque de donneuses françaises, le diagnostic pré-implantatoire (dont le recours est trop restrictif) et le don de sperme refusé aux femmes célibataires. Mais derrière ce texte collectif, il y a des histoires individuelles, comme celle du Dr Catherine Rongières, gynécologue-obstétricienne à Strasbourg.

« On aurait pu leur éviter une IVG et beaucoup de souffrance »

Sa voix est calme, son ton posé, mais on perçoit une certaine lassitude. Le Dr Catherine Rongières a en effet vu bien des cas de patientes qui ont demandé son aide et pour qui la PMA s’est transformée en un parcours du combattant. « Je me souviens d’un couple qui avait fait une première tentative, soldée par un échec : l’un des deux parents était porteur d’une anomalie génétique rare qui avait mené à une fausse couche », se souvient-elle. Le couple essaie à nouveau, « mais trois mois et demi plus tard, on détectait que leur bébé était porteur de la trisomie 21 », regrette-t-elle.

Cette situation, difficilement supportable pour le médecin, est due au fait que le DPI (Diagnostic pré-implantatoire) ne peut être effectué que si on a identifié au préalable une anomalie responsable d’une maladie bien définie. « Si on avait pu élargir les tests lors du DPI, on leur aurait évité une IVG et beaucoup de souffrance psychologique », s’insurge Catherine Rongières.

La souffrance, le médecin la vit aussi avec son patient. « Pour le praticien, c’est une frustration majeure parce qu’on sait qu’il y a des moyens de faire autrement, mais nous n’avons pas le droit de les utiliser », commente-t-elle. « On doit orienter nos patients vers l’étranger, alors que si on se donnait la peine de légiférer un tant soit peu, la prise en charge serait bien meilleure. » Un sentiment d’avancer à l’aveugle qui leurs donnerait presque envie de « danser autour d’un feu pour que les dieux soient cléments » s’amuse Catherine Rongières. Une boutade qui pourtant cache un constat amer : « on a vraiment l'impression d'être pris pour des charlatans. Mais nous sommes médecins, il faut aussi nous faire confiance ! » ajoute-t-elle. 

La France à la traine

Une situation qui a d’après la gynécologue des conséquences sur la réputation de la médecine française. « En France nous sommes dans les derniers de la classe en terme de PMA », regrette-t-elle. « En tant que professionnels, on se sent presque minables dans les congrès internationaux. Nous n’avons rien à proposer ou à avancer par rapport à nos confrères étrangers ».

Ce retard, ajouté à la détresse du patient et du praticien, rend vraisemblablement la discussion entre politiques et corps médical urgente. « Oui il y a des dérives qu’il faut prévenir, malgré tout, il y a encore beaucoup de travail pour arriver à une prise en charge satisfaisante », avertit Catherine Rongières. Un débat éthique dans lequel le médecin tente de faire entendre, tant bien que mal, sa voix à un juste niveau. 

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Source:

Johana Hallmann

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