L'hôpital, zone à risques psychosociaux

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Plus d'un tiers des agents de la fonction publique hospitalière (FPH) sont dans une situation de surexposition aux risques professionnels et psychosociaux, selon une enquête de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).
 

L'hôpital, zone à risques psychosociaux

La fonction publique hospitalière (FPH) "est nettement plus exposée que les autres versants de la fonction publique et le secteur privé à l’intensité et la complexité du travail, aux exigences émotionnelles, aux conflits de valeur, à l’insécurité de la situation de travail et aux contraintes physiques et environnementales". C’est le constat de l'enquête « Conditions de travail et risques psychosociaux" de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), publiée fin février.
 
Basée sur les données de 2016, cette étude vise à mesurer l’exposition aux risques psychosociaux au travail mais aussi la durée, la répétitivité et la chronicité des facteurs de risque tout comme l’évolution des conditions de travail. Mais aussi d'observer les causalités entre travail et santé dans la fonction publique d'État (FPE), la fonction publique territoriale (FPT) et la FPH, tout comme dans le secteur privé.
 
Une fois encore, la FPH fait figure de mauvais élève de la fonction publique. Les relations de travail y seraient « plus souvent difficiles que pour les autres agents du public et salariés du privé", révèle l’enquête, si bien que les agents de la FPH seraient plus "particulièrement exposés à une forte demande émotionnelle". Plus d'un tiers (37%) seraient dans une situation de surexposition aux risques professionnels et psychosociaux, contre 23% pour la FPE et 19% pour la FPT.
 
À quoi ressemblent les conditions de travail des salariés surexposés (tous secteurs confondus) ? 15% des salariés surexposés ont des semaines décalées (contre 10% de l’ensemble des salariés), 22% ont des semaines longues avec des horaires occasionnellement décalés (contre 16%) et 13% ont des horaires décalés (contre 9%). Tiens, tiens, ça nous rappelle quelque chose…

74% reçoivent des ordres ou des indications contradictoires

 
Autres chiffres éloquents : les salariés surexposés déclarent plus souvent que les autres subir au moins trois contraintes de rythme (56%), recevoir des ordres ou des indications contradictoires (74% contre 42% dans l’ensemble), devoir penser à trop de choses à la fois (82%), devoir se dépêcher pour faire leur travail (78%), travailler sous pression (73%), devoir effectuer une quantité excessive de travail (73%), penser encore au travail même quand ils n’y sont plus (67%).
 
Quels sont les autres facteurs de risque ? S’ils sont relativement autonomes, la moitié des salariés surexposés n’ont pas la maîtrise des délais fixés (50% contre 38%) et sont nombreux à ne pas avoir la possibilité de faire des choses qui leur plaisent dans le travail (65% contre 44%). Ils sont aussi nombreux à ne pas se sentir capables de faire jusqu’à leur retraite le même travail qu’aujourd'hui (59% contre 38%).
 
Autres éléments qui pèsent dans la balance : 79% des salariés sont en contact direct avec le public, si bien qu’ils sont plus souvent amenés à gérer des situations délicates: ils déclarent davantage devoir "calmer les gens" (76% contre 55%), "gérer des conflits" (74% contre 54%), vivre des situations de tension dans leurs rapports avec le public (47%), être en contact avec des personnes en situation de détresse (65%). Enfin, beaucoup ont été victimes d’une agression verbale de la part du public (32% contre 15%), un chiffre que devrait parler aux PH qui sont actuellement en train de nous lire.
 

Exposés à de fortes exigences émotionnelles

Si la FPH est aussi touchée, c’est sans doute aussi parce que les salariés surexposés sont "plus souvent" exposés à de fortes exigences émotionnelles. Ils sont en effet nombreux à déclarer être bouleversés, secoués ou émus dans leur travail (25% contre 11%), devoir cacher leurs émotions (56% contre 25%) et devoir éviter de donner leur avis ou leur opinion (38% contre 16%).
 
On s’en doutait, le salarié surexposé a également des rapports sociaux difficiles avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques et souffre d’un manque d’intégration et de reconnaissance : 59% disent ne pas recevoir le respect et l’estime que mérite leur travail au vu des efforts réalisés (contre 22% dans l’ensemble), 43% n’ont pas le sentiment de faire partie d’une équipe (contre 23%).
 
Pire : au cours des 12 derniers mois, 45% des salariés surexposés déclarent avoir reçu des critiques injustes et systématiques à propos de leur travail (contre 18% dans l’ensemble) et 30% avoir été victimes d’une agression verbale de la part des collègues ou des supérieurs (contre 11%). Tiens, tiens, cela nous rappelle étrangement l’hôpital…
 
Ces salariés sont par ailleurs confrontés à une forte insécurité de la situation de travail: 49% disent vivre des changements imprévisibles ou mal préparés (contre 18%), 33% se sentent dépassés par des changements trop rapides (contre 11%). Martin Hirsch, si tu nous entends…

Enfin, ce n’est pas une information qui devrait surprendre les médecins : l’état de santé des salariés surexposés apparaît particulièrement dégradé, aussi bien sur le plan physique que mental. En effet, 43% de ces derniers se déclarent en moyenne ou mauvaise santé, 24% s’estiment limités dans leurs activités, 40% déclarent une maladie ou un problème de santé chronique ou durable, 16% un épisode dépressif majeur au moment de l’enquête.

Témoignages accablants à l’hôpital de L’Aigle

Aussi étrangement que cela puisse paraître (NB : ironie), les résultats alarmants de cette enquête ne sont pas sans rappeler les témoignages accablants du rapport sur les risques psychosociaux à l’hôpital de L’Aigle (Orne), publié par le cabinet d’expertise Aliavox début 2018.
 
Selon Le Réveil Normand, le personnel exposé décrivait "une situation particulièrement difficile pour certains en raison du manque de considération, d’écoute et de moyens".
 
Pour certains projets, les équipes concernées avaient été consultées mais, "finalement, il n’a pas été tenu compte des propositions qu’elles ont formulées. Les équipes considèrent avoir été trompées et ce fort ressentiment construit de la démotivation", écrivait le rapport.
 
Autre reproche des agents : l’administration considérait "qu’ils n’en font jamais assez", alors que dans les faits "les agents sont souvent sollicités au-delà de leur temps de travail habituel".
 
À titre d’exemple : les infirmières prolongeaient leur temps de travail après les transmissions, tandis que le personnel en astreinte reprenait le travail "après une intervention la nuit sans avoir eu ses douze heures de repos consécutives".
 
Le rapport concluait que ce climat de tension entraînait "une baisse de la vigilance et un affaiblissement du travail collectif, posant à terme la question de la sécurité des patients". Et d’ajouter que "la pénurie de médecins oblige à des recrutements d’intérimaires onéreux engendrant une présence médicale discontinue. Cette discontinuité, associée à d’autres dysfonctionnements, provoque des glissements de tâches qui mettent en insécurité les soignants, créant chez eux des phénomènes de peur".
 

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Avec APM

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