« Les urgences, c’est le paillasson de l’hôpital »

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Un jeune urgentiste prend la plume

« Les urgences, c’est le paillasson de l’hôpital »

Le Dr Mathieu Doukhan, jeune urgentiste au CH de Tourcoing, a publié la semaine dernière « Papa, pourquoi tu dors encore à l’hôpital ? ». Un premier livre où il dépeint son quotidien (in)hospitalier. Franc-parler garanti.

 

En appelant le Dr Mathieu Doukhan pour parler de son premier ouvrage*, sorti la semaine dernière, nous avions peur d’être déçus et de ne pas retrouver le ton mordant qui fait le sel de son livre. Crainte injustifiée. « Le grand public n’entend parler des urgentistes que dans deux situations », décoche ce jeune urgentiste tourquennois au bout d’une minute d’interview. « Quand il y a une catastrophe genre Bataclan, ou quand c’est le bordel dans un service et que W9 vient faire du sensationnel. »

Il ne faut pas s’y tromper : bien que le livre s’appelle « Papa, pourquoi tu dors encore à l’hôpital ? », il n’est en rien destiné aux enfants. Il s’agit avant tout un coup de gueule. « Les urgences, c’est le paillasson sur lequel on s’essuie les pieds avant d’entrer à l’hôpital », explique Mathieu. « J’avais envie d’en parler de manière personnelle, avec mon ressenti de jeune médecin, pour expliquer aux collègues et au public la position de l’urgentiste. »

« Les petits vieux dont on se débarrasse »

Dans ce recueil au vitriol, les petites histoires se succèdent et tout le monde en prend pour son grade. A commencer par les usagers. Mathieu y détaille par exemple le profil-type des patients qu’il reçoit en fonction des jours de la semaine. « Le lundi, les patients qui ne veulent pas aller au travail, ce que très souvent l’on peut comprendre […]. Le vendredi, les petits vieux dont on se débarrasse […]. Le samedi, les patients qui ne peuvent pas aller voir les médecins pendant la semaine. »

Mais les médecins de ville en prennent également pour leur grade. Dans un autre passage du livre, l’auteur s’amuse à traduire en langage courant le courrier d’un médecin traitant lui adressant une patiente un vendredi soir. Le résultat est éloquent. « Cher confrère, vu que je pars en week-end, que toi tu bosses comme un con […], je t’envoie une vieille que je n’ai pas examinée, pour avoir la paix. Je t’ordonne de faire des examens inutiles et de demander un avis auprès d’un spécialiste qui n’est plus présent dans l’hôpital vu qu’il est au moins 19 heures ».

« Ma façon d’écrire, c’est du cash »

Bien sûr, Mathieu tempère. « Quand je parle des médecins traitants qui abusent de l’hôpital, c’est une minorité », remarque-t-il. « Dans le secteur de Tourcoing, ce sont toujours les mêmes noms qu’on retrouve, il y en a une vingtaine. On ne peut donc pas dire que tous les généralistes sont des enfoirés… Surtout quand on est fils de médecin traitant ! »

Le quotidien que Mathieu décrit dans son livre est si sombre que ses premiers relecteurs lui ont demandé d’adoucir un peu le trait. « Ils m’ont dit d’essayer d’écrire au moins une ou deux histoires sympa, parce que sinon on allait croire que les urgences, c’est la tannée de la médecine », raconte l’auteur.

Et bien sûr, l’ouvrage ne se résume pas à une collection de récriminations. L’auteur esquisse même quelques solutions aux problèmes qu’il dénonce. « Dans un monde idéal, l’urgentiste serait dans un service d’urgence situé derrière un dispensaire où officieraient des médecins formés à cet effet et payés par l’hôpital », écrit-il dans son dernier chapitre.

Mais on ne se refait pas. « Je suis un peu frontal, ma façon d’écrire, c’est du cash », reconnaît Mathieu. « Et si ça ne plaît pas aux gens, tant pis ! ». A bon entendeur…

 

* Papa, pourquoi tu dors à l’hôpital ?, Editions de l’Opportun, avril 2016, 254 p.

Source:

Adrien Renaud

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