Les psy(chologues) vont-ils sauver les psy(chiatres) ?

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Face à la saturation de l’accès aux psychiatres hospitaliers et libéraux, le remboursement des consultations de psychologues par l’Assurance Maladie, envisagée dans un rapport Igas du 7 février, est-elle une bonne piste ?

Les psy(chologues) vont-ils sauver les psy(chiatres) ?

Les consultations de psychologues vont-elles être remboursées ? Un rapport de l’Igas publié le 7 février (mais rendu en octobre 2019), « Prise en charge coordonnée des troubles psychiques : état des lieux et conditions d’évolution »(1) préconise cette voie, sous certaines conditions, suite à l’expérimentation du remboursement des consultations de psychologue par l’Assurance Maladie.
Depuis avril 2018, quatre départements expérimentent en effet le remboursement des consultations de psychologue : Haute-Garonne, Morbihan, Bouches-du-Rhône et Landes. Cette expérimentation faisait notamment suite à une recommandation de la HAS de 2017 préconisant les psychothérapies avant les antidépresseurs dans les dépressions légères et modérées (2).
Selon le rapport Igas, « une présence renforcée des psychologues aux côtés des psychiatres - et mieux encore dans le cadre d’une prise en charge coordonnée - est une opportunité pour améliorer l’accès aux soins psychiques et pour éviter que l’état des patients ne se dégrade ».
 

Désengorger les cabinets de psychiatres

« L’une des causes de la crise de la psychiatrie en France est un éparpillement des missions du psychiatre. Ce dernier fait tout, tout seul, et est débordé. La France doit se donner les moyens de former des professionnels de la santé mentale capables de collaborer entre eux », estime le Pr Jean-Pierre Olié, ancien chef de service de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne et auteur du rapport « Soigner les maladies mentales : pour un plan de mobilisation nationale », remis à l’Académie de Médecine en juin 2019. Les psychologues sont déjà « une ressource importante pour la prise en charge ambulatoire de certains troubles psychiques, dans un contexte de saturation de l’offre », souligne le rapport Igas. La France compte actuellement 23 000 psychologues cliniciens selon la CNAM.
 
 

Les psychiatres sont-ils favorables à cette généralisation ?

« La question ne doit pas être posée en ces termes. La question centrale est celle des pré-requis à cette généralisation », répond le Dr Bensoussan, président du syndicat des psychiatre français (SPF). Pré-requis nécessaires selon lui : « Une pratique collaborative en santé mentale à créer entre psychiatres, psychologues et médecins généralistes » et un renforcement de la formation des psychologues, notamment à la pratique clinique.
Effectivement, comme le montre le graphique ci-dessous, extrait du rapport Igas, le taux d’adressage du médecin généraliste vers un spécialiste de la santé mentale est très faible aujourd’hui en France.

Le Dr Benssoussan pose par ailleurs la question des compétences des psychologues. « Quand un psychologue s’installe, il a le même niveau de pratique clinique qu’un étudiant en médecine de 3ème ou 4ème année. Il y a une grande marge d’amélioration ». Un élément de réponse qui semble confirmer « la défiance exprimée par certains psychiatres envers toute forme d’activité non médicale dans le champ de la souffrance psychique », soulignée par le rapport. Bref, la question centrale ne serait-elle pas plutôt celle-ci, posée par l’Igas : « la moitié des psychothérapies étant assurée par des psychiatres, cette résistance pourrait aussi s’expliquer pour certains d’entre eux, par la crainte de perdre une partie de leur activité ».
 

Et les psychologues ?

La mission Igas a constaté un écart entre les revendications affichées par les syndicats de psychologues et les souhaits des psychologues sur le terrain. « Les syndicats de psychologues rencontrés par la mission attendent peu ou prou du ministère de la santé qu’il reconnaisse pleinement leur place de professionnels de la santé psychique (…) mais cette évolution est considérée par les syndicats comme une mise sous tutelle de la profession par l’assurance maladie ».
A contrario, les retours d’expérimentation de la CNAM montrent que 96% des psychologues sont prêts à entrer dans le parcours de soins contre remboursement et que les deux-tiers d’entre eux sont également favorables à l’adressage via une prescription du médecin.
 

Harmoniser la formation des psychologues

Actuellement, il existe un référentiel pour la formation des psychologues jusqu’au niveau de la licence, mais pas au-delà. « Au-delà de la variabilité de ses contenus universitaires, la formation des psychologues manque, au dire le la plupart des enseignants rencontrés, de scientificité et de spécificité : les contenus théoriques seraient trop généralistes et pas suffisamment orientés sur la pratique », souligne le rapport de l’Igas.
Par conséquent, l’Igas propose les réformes suivantes :
- création d’un diplôme universitaire (DU) ou interuniversitaire (DIU) définissant la qualification de psychologue clinicien ;
- allongement de la durée de formation (bac+6, voire plus), pour intégrer plus de pratique ;
- formation renforcée dans le domaine clinique, avec des stages intégrés au parcours de soins.
 
Pour en savoir plus :
1-http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article766
2- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-10/depression_adulte_fiche_de_synthese_pec.pdf
3- http://www.academie-medecine.fr/soigner-les-maladies-mentales-pour-un-plan-de-mobilisation-nationale/
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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