Les établissements de demain, dès l'aube

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Ambulatoire, évolutif, feutré et ouvert : l’hôpital de demain se voudrait à la fois plus technique et plus humain. Pour des lendemains qui chantent, suivez le guide.

Les établissements de demain, dès l'aube

Comme l’église, l’hôpital est un bâtiment si emblématique qu’il en est venu à désigner son institution de tutelle. Lieu de tous les enjeux, il incarne et – dans le meilleur des cas – anticipe les évolutions de la société. C’est ainsi que l’hôpital pavillonnaire, reflet des préoccupations hygiénistes du XIXe siècle, a cédé la place dans les années 1930 à l’impressionnant hôpital monobloc, incarnation d’une médecine rationaliste et technophile. Et demain, à quoi ressemblera l’hôpital ?

Ce n’est plus la taille qui compte

Finis les hôpitaux-cathédrales des années 1970, tutoyant le ciel avec ostentation, ou les interminables hôpitaux horizontaux : le gigantisme a fait son temps. L’essor de l’ambulatoire, lié à la hausse de pathologies chroniques, impose une réduction de la capacité d’accueil qui se traduit par des bâtis beaucoup plus compacts. Le nouveau CHU de Nantes, sur l’île de Nantes, accueillera ainsi moins de 1 500 lits, contre 2 600 à l’heure actuelle.

Le tournant ambulatoire est LA contrainte structurelle majeure pour l’hôpital de demain. D’une logique de « stock », liée au nombre de lits, l’hôpital s’inscrira dans une logique de flux, qui impose de penser au mieux les parcours patients et de décloisonner les espaces. « L’hôpital ne va pas augmenter en volume mais en taux de rotation », considère Antoine Buisseret, directeur exécutif et architecte associé du cabinet d’architectes Groupe-6.

L’abus d’ambu ne nuit pas à la santé 

« Il y a quelques années, on disait qu’il fallait un plateau technique au cœur et des bâtiments satellites pour les hospitalisations et les consultations », raconte Bruno Follin, architecte associé du cabinet AIA architectes. « C’est en train de disparaître. » Les circuits se raccourcissent tandis que les surfaces se réduisent : les bureaux de consultation tutoieront les salles d’opération, sans qu’il faille traverser trois portes et deux couloirs pour passer de l’un à l’autre. « L’hôpital se resserre autour du plateau technique », résume Antoine Buisseret, de Groupe-6.

Le plateau technique, quant à lui, continuera de croître au rythme des progrès de la robotique chirurgicale et de l’imagerie, et la tendance à la mutualisation va se poursuivre. Pièce maîtresse de l’hôpital, il en deviendra de plus en plus la vitrine, au sens figuré comme au sens propre. « La vraie tendance, c’est de mettre le plateau technique en vitrine sur le hall d’accueil », indique Bruno Follin. 

Plaisir des yeux (et du reste) 

Autre changement majeur, également lié à l’ambulatoire : il va falloir s’habituer à accueillir des patients debout au coeur de l’hôpital. « Les patients diront bonjour à leur médecin, iront s’asseoir dans leur salle d’opération avec leur smartphone et entendront tout ce qui se dit », poursuit Bruno Follin. Plus de blagues graveleuses entre deux sutures mais, en compensation, des salles d’op’ avec des plafonds ornés et des salles de réveil éclairées à la lumière naturelle.

Une attention portée aux détails qui n’a rien d’anecdotique. « Il n’y a plus de débat sur le fait que l’environnement joue un rôle dans le bien-être », considère Yann Bubien, directeur général du CHU d’Angers et coordinateur d’un ouvrage sur l’architecture hospitalière*. Adieu lumières crues, sols plastiques, murs nus aux aplats verdâtres : les architectes s’escriment à rechercher la lumière naturelle, à maîtriser l’acoustique et à employer des matériaux de qualité (bois, moquettes). « Les cinq sens sont importants », résume Bruno Follin.

Une petite coupe en attendant Pépé

Autre mutation en cours : l’hôpital de demain s’assumera comme un lieu d’accueil, et proposera des services à ses visiteurs. « Pendant longtemps l’hôpital a été un superbe outil à soigner. Demain ce sera en plus un outil à vivre », estime Bruno Saint-Dizier, architecte d’intérieur chez AIA. Dans la continuité d’un hall d’accueil de plus en plus central, l’hôpital du futur accueillera des magasins, des restaurants, des salles de sport ou de spectacle. Le tout nouvel hôpital Princesse-Grâce, à Monaco, offre ainsi les services d’une bibliothèque et d’un… salon de coiffure.

Un grand hall d’accueil lumineux donnant sur un plateau high-tech en vitrine, de nombreux commerces, des patients qui circulent accompagnés de leur famille, le tout dans un décor démédicalisé aux finitions soignées et à l’atmosphère feutrée… Et si l’hôpital de demain ressemblait à l’aéroport d’aujourd’hui ? Sacré chemin depuis les hospices civils !

 

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Vous avez dit « flexible » ?

Entre le démarrage d’un programme architectural et l’inauguration d’un nouvel hôpital s’écoulent souvent dix ou quinze ans. Comment s’assurer que le bâtiment ne devienne pas obsolète en quelques années ?

Les architectes s’intéressent de plus en plus à l’évolutivité et à la flexibilité des usages. Le concept d’hôpital monospace, conçu par l’agence Brunet-Saunier, porte cette modularité à son paroxysme. De forme sobre voire austère, construit sur un maillage tridimensionnel répétitif, le monospace permet de redéfinir aisément les espaces en fonction des besoins.

« On ne réfléchit plus en superficie mais en volume », explique Bruno Follin, architecte associé du cabinet AIA. « Une même pièce carrée peut faire aujourd’hui de la consultation, de l’exploration, et être transformée demain en chambre. » Une sorte d’hôpital en Rubik’s Cube…
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* Concevoir et construire un hôpital, sous la direction de Yann Bubien, 2014, éditions Le Moniteur.

 

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