Les CHU épinglés sur les conflits d’intérêt

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Près de la moitié des CHU français n'ont pas mis en place de politique de prévention des conflits d'intérêts des médecins vis-à-vis des industriels, selon l’association pour une information médicale indépendante Formindep. Le CHU de Toulouse et l’AP-HP sont les premiers de la classe.

Les CHU épinglés sur les conflits d’intérêt

Suite au scandale sanitaire du Mediator, qui avait mis en lumière les conflits d'intérêts entre des membres des autorités de santé et l'industrie pharmaceutique, le ministère de la Santé avait annoncé en 2016 un renforcement des dispositions prises pour prévenir ce genre de pratiques dans la santé. Force est de constater que nous sommes encore très, très loin du compte…
 
En effet, près de la moitié des 32 CHU français n'ont pas mis en place de politique interne de prévention des conflits d'intérêts des médecins vis-à-vis des industriels, révèle une étude menée par l’association pour une information médicale indépendante Formindep.  
 
Pourquoi cette étude sur les CHU ? Parce que  « c’est le principal endroit où les conflits d’intérêts se jouent, là où ils existent de façon la plus frontale, or aucune évaluation n’y a jamais été faite, ni par les pouvoirs publics ni par personne », a expliqué au Monde Christian Guy-Coichard, coordinateur de l’étude et médecin à l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris).
 

Des lieux stratégiques pour l’industrie de la santé

 
« Parce qu’ils sont des lieux de recherche, d’enseignement et de soins, les CHU et leur personnel sont particulièrement ciblés par les stratégies marketing des firmes de santé », ajoute l'association dans un communiqué de presse publié mercredi. « Ces influences ont un effet démontré sur la pertinence et la qualité de la prise en charge des patients, et constituent un risque sanitaire ».
 
Les CHU constituent donc « des lieux stratégiques pour l’industrie de la santé, toujours en quête de « leaders d’opinion » et de gros prescripteurs pour assurer le succès de ses produits », considère également le journaliste du Monde.
 
Le rapport présente un classement des CHU sur leur politique en matière de conflits d'intérêts, établi à partir de 20 critères parmi lesquels figurent : la gestion des cadeaux et des avantages, présentations promotionnelles effectuées à l'hôpital, la participation des soignants à des événements promotionnels organisés par les industriels, la transparence dans les financements des travaux de recherche, l’approvisionnement en médicaments et en dispositifs médicaux, l’accès à l'hôpital par des visiteurs médicaux des industriels, etc.

Le CHU de Toulouse donne l’exemple

 
Pour chacun de ces 20 critères - dont 19 sont notés de 0 à 3 - le CHU obtient 0 point s’il n'a aucune politique sur ce sujet, et jusqu’à 3 points s'il existe une politique explicite qui est basée sur des standards élevés. Et, devinez, quoi, 47 % des CHU méritent largement leur bonnet d’âne puisqu’ils ont tous obtenu un magnifique zéro pointé !
 
Si l’on regarde les meilleurs élèves - la note maximale pouvant être obtenue étant de 58 – on constate que le meilleur score est de… 24 points ! Pas mal, mais peut largement mieux faire… Enfin, toujours est-il que le premier de la classe est le CHU de Toulouse, qui a notamment instauré en 2017 une instance de prévention des conflits d'intérêts.
 
Celui-ci a entrepris de travailler dans plusieurs directions : régime de cumul d’activités accessoires pour encadrer l’autorisation donnée aux fonctionnaires ou agents publics, d’exercer une activité en plus de son activité principale ; déclaration d’intérêts pour assurer la transparence des liens existants entre les professionnels hospitaliers (ou hospitalo-universitaires) et les industriels…
 

L'AP-HP, Marseille et Montpellier bien placés

 
L'AP-HP arrive en deuxième position avec 20 points, sous l'effet d’une politique mise en place à partir de 2015. Objectifs affichés : « éclairer les professionnels pour éviter qu’ils ne se retrouvent dans une situation défavorable et qu’ils prennent des risques pour eux-mêmes et pour leurs activités », mais aussi « sécuriser les partenariats et les collaborations » ou ne « pas freiner l’innovation, ni empêcher les collaborations ou alourdir les procédures ».
 
L'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) (12 points) et le CHU de Montpellier (11 points) ont commencé à élaborer une politique en matière de conflits d'intérêts. Enfin, 17 établissements ont des éléments de politique, « mais leur approche est limitée ou manque de mécanismes pour leur mise en œuvre », souligne l'étude.
 
Face à ces médiocres résultats, les auteurs du rapport tirent la conclusion suivante. « Malgré les lois et réglementations existantes, ainsi que l'intérêt public et la couverture médiatique de ces sujets, trop peu d'hôpitaux ont pris des mesures pour développer une vraie politique protégeant les patients et les soignants ».
 
Tout en précisant que « quelques efforts ont été faits localement, mais le plus souvent sous l'impulsion d'initiatives individuelles et non d'une réelle stratégie publique nationale sur ce sujet ». La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Osera-t-il à l’avenir sanctionner les cancres en matière de conflits d'intérêts ?
 
 

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Avec APMnews

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