Drôle de métier : vérifier les arrêts de travail des confrères

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Quand le médecin se fait contrôleur

Drôle de métier : vérifier les arrêts de travail des confrères

On parle souvent des contrôles effectués par les médecins-conseil de l’Assurance Maladie auprès de praticiens soupçonnés de prescrire trop d’arrêts de travail. Mais les employeurs aussi peuvent demander une vérification. Et dans ce cas, c’est un confrère libéral qui s’y colle.

Bon, on ne va pas se mentir : rares sont ceux qui ont fait médecine pour contrôler les arrêts de travail prescrits par leurs confrères. Et pourtant, les libéraux sont nombreux à arrondir leurs fins de mois en offrant leurs services à des sociétés spécialisées dans cette activité pas tout à fait comme les autres. Alors, comment ça marche ?

« Quand un employeur, public ou privé, a des doutes sur l’arrêt de travail de l’un de ses salariés, il nous appelle et nous demande d’organiser un contrôle », explique Michèle Laporte, fondatrice de Medicat Partner, une société qui se présente comme l’un des leaders du marché. L’entreprise fait alors appel à l’un des 3 500 médecins de son réseau, qui se rend au domicile du patient pour vérifier que l’arrêt est toujours justifié.

Entre 10 et 50 % d’arrêts injustifiés

« On ne sait jamais pour quelle pathologie on fait un contrôle, on découvre tout une fois sur place », témoigne Jean (1), généraliste qui en fait depuis 25 ans. Celui-ci assure que dans 90 % des cas, il conclut que l’arrêt de travail était justifié. Medicat Partner a une estimation un peu plus basse : 60 %. Et si on demande à MediVerif, une société concurrente, c’est encore moins : 50 %.

« Attention, cela ne veut pas dire qu’une fois sur deux, l’employé n’est pas malade », prévient Frank Charpentier, gérant de MediVerif. Le contrôle peut être négatif en cas d’absence du domicile, par exemple, ou d’adresse erronée. Mais dans tous les cas, la sanction tombe : l’employeur est en droit de ne plus verser le complément de salaire qu’il doit au salarié.

Sortir de la bobologie

Alors, qu’est-ce qui pousse ces praticiens à manier le bâton plutôt que le stétho ? « Le complément de revenu est une motivation, mais elle ne suffit pas », note Michèle Laporte, de Medicat Partner. Franck Charpentier confirme. « Nous faisons 10 000 contrôles par an, et nous avons environ 2 000 médecins dans mon réseau, ce qui fait cinq contrôles par médecin et par an », calcule-t-il. A raison d’une cinquantaine d’euros par contrôle, on ne va pas bien loin, estime le gérant.

Pour expliquer ce qui fait bouger ces médecins, Michèle Laporte parle du « sentiment de rendre la justice », et Franck Charpentier évoque la « conviction ». Mais Jean, lui, a une autre explication. « C’est une autre façon de faire de la médecine, on fait de l’étiologie, pas du symptomatique », témoigne-t-il. Ce généraliste reconnaît toutefois qu’il a davantage le sentiment de « sortir de la bobologie » quand on fait appel à lui en tant qu’expert (il a un diplôme d’expertise médicale) que quand il contrôle des arrêts de travail.

 « Si on me propose des contrôles, je ne vais pas dire non », concède cependant Jean. D’ailleurs, les entreprises du secteur recherchent des bras. « Notre réseau est constitué », déclare Franck Charpentier, « mais on ne refuse pas les nouveaux médecins ». Chez Medicat Partner, on fait carrément des appels du pied. « Avec la désertification médicale, il est de plus en plus difficile de recruter », note Michèle Laporte, qui dresse le portrait-robot du bon médecin-contrôleur : « fiable, bien organisé, neutre, ne cherchant à faire plaisir à personne… » Des volontaires ?

(1) Le prénom a été modifié. 

Source:

Adrien Renaud

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