Quand tu dois choisir entre être maire et médecin

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Quand tu dois choisir entre être maire et médecin

En mai dernier, le Dr Joël Clément annonçait que n’ayant pas trouvé de successeur à son associée, il démissionnait de son mandat de maire de Saint-Antoine-la-Forêt en Normandie pour se consacrer à son cabinet. Il fait aujourd’hui le bilan de cette décision avec What’s up Doc… et nous livre ses réflexions sur la désertification médicale.

 

What’s up Doc. Comment en êtes-vous venu à démissionner de votre mandat de maire de Saint-Antoine-la-Forêt ?

Joël Clément. En 2001, j’étais en saturation extrême, proche du burnout. Une jeune femme est venue me proposer de travailler avec moi, et de partager le cabinet à mi-temps. J’ai accepté d’autant plus facilement que j’étais alors adjoint à la commune. Du coup, quand les élections de 2002 sont arrivées, j’ai pu prendre la suite du maire sortant, j’avais du temps libre. Je suis par la suite devenu vice-président de la communauté de communes. Mais les hasards de la vie ont fait que mon associée va partir habiter dans les Alpes. Je ne pouvais pas assurer à la fois le cabinet à temps plein et mon mandat. Je devais choisir.

WUD. Avez-vous cherché à trouver un remplaçant à votre associée avant de prendre cette décision ?

JC. Oui. Ma collègue est maître de stage, et elle avait regardé autour d’elle. Mais cela n’a rien donné. Ce n’est pas spécifique à ma commune. Dans notre secteur de garde, nous étions trente il y a dix ans, et nous sommes vingt maintenant. Dans cinq à sept ans, nous serons dix à partir à la retraite.

WUD. Êtes-vous sûr d’avoir pris la bonne décision ?

JC. Oui. Je ne me voyais pas ne proposer qu’un mi-temps sur un secteur de 5000 habitants. J’aurais pu déléguer à mes adjoints, mais ce n’est pas mon tempérament. Trop d’hommes politiques font les choses à moitié, je n’aurais pas voulu que l’on dise cela de moi. Et puis, je vais vous dire une chose : même si je fais des journées plus longues depuis que j’ai repris à temps plein, je me rends compte que quelque chose a changé : je dors. Un maire ramène toujours des choses à la maison, alors qu’un médecin, quand il a fermé la porte et qu’il n’est pas de garde, il peut se reposer.

WUD. Comment voyez-vous l’avenir ?

JC. J’ai 58 ans. Si la santé est bonne, j’irai au moins jusqu’à 65, mais cela passe très vite. Je ne pense pas que je ferai comme certains praticiens qu’on voit dans les journaux, et qui exercent jusqu’à 80 ans. On n’est pas là pour pallier les carences de l’État.

WUD. Et vos patients ?

JC. Aujourd’hui, l’un des problèmes que nous avons, c’est que les jeunes préfèrent faire des remplacements ou prendre les derniers postes salariés qui restent. Mais d’ici quelques années, ces postes vont être gelés. Il faudra bien que les jeunes reviennent en libéral. Mon cabinet n’existera peut-être plus, mais il y aura du monde dans les cabinets de groupe des communes limitrophes. Les gens auront un médecin dans un rayon de huit kilomètres.

WUD. Pensez-vous que l’exercice de groupe est l’avenir de la médecine libérale ?

JC. Oui, je pense qu’il deviendra la norme. Tout le monde n’exercera pas forcément dans le même bâtiment, mais il y aura un mode de fonctionnement commun, notamment en termes de secrétariat. De toutes façon, les jeunes n’auront pas le choix, il faudra y arriver.

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