Jean Sibilia : le nouveau boss des doyens se confie à WUD

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« Je suis un empathique enthousiaste, passionné de ce que je fais »

Jean Sibilia : le nouveau boss des doyens se confie à WUD

Le Pr Jean Sibilia, doyen de la faculté et PU-PH en rhumatologie au CHU de Strasbourg, a été élu mardi 30 janvier président de la Conférence des doyens des facultés de médecine de France. R3C, PACES One, médecine de demain, suicide des internes… What’s up Doc a questionné le nouveau boss des doyens. 

What’s up Doc. Les 38 doyens des facultés de médecine vous ont élu mardi. Vous vous sentez à la hauteur ?

Jean Sibilia. Je vous fais une réponse courte : oui ! Bien sûr.

WUD. Quel souvenir garderez-vous de votre prédécesseur, le Pr Jean-Luc Dubois-Randé ?

JS. Jean-Luc, avec qui on formait un binôme président/vice-président, est quelqu’un avec un grand humanisme, une grande réactivité, et un grand sens de l’intérêt général. Une personnalité ouverte et créative !

WUD. Vous êtes élu pour 2 ans. Quel va être votre petite touche perso' à la tête de cette institution ? 

JS. C’est probablement la façon de voir les missions de la Conférence des doyens avec une vision sociétale, empreinte de bienveillance et de sens de l’intérêt général. Il faut aussi voir la médecine de demain comme une médecine qui va être hautement technologique, mais qui doit rester une médecine humaniste. Mon idée, c’est que notre Conférence doit s’adapter à ce double objectif qui paraît un peu antagoniste.

WUD. Le CHU de Strasbourg gagne une place en se hissant à la 10ème place des CHU les plus choisis par les nouveaux internes, d’après le classement WUD. C’est grâce à vous ?

JS. J’espère un petit peu oui ! C’est grâce à l’attractivité de notre belle université de Strasbourg, dont la faculté de médecine est l’un des fleurons. Et j’espère que c’est grâce au développement de tout ce qu’on essaye de mettre en place, en matière de formation et de recherche sur le campus de la faculté.

WUD. Êtes-vous satisfait de la mise en place de la réforme du 3ème cycle  ?

JS. Je suis satisfait pour deux raisons. La première : c’est une réforme compliquée mais vertueuse sur le plan pédagogique. Aujourd’hui, un interne, on sait ce qu’il fait, ce qu’il va faire, ce qu’il devient et comment il est encadré. Le deuxième aspect, c’est que malgré les difficultés organisationnelles, les 38 facultés ont pu le faire ! Finalement, la rentrée est réussie, il n’y a pas eu d’échec majeur. Je n’ai jamais vu qu’entre la publication d’un décret, le 12 avril 2017, et sa mise en oeuvre, il s'est déroulé moins de six mois, donc c’est exceptionnel.

WUD. Fin du redoublement de la PACES : vous en pensez quoi ?

JS. C’est une expérimentation jusqu’en 2019 qui se fera seulement dans quelques facultés : l’idée est de ne pas faire perdre de temps aux étudiants. Cette PACES One n’empêche pas le redoublement, puisque chaque étudiant aura deux chances, mais dans une organisation pédagogique différente, beaucoup plus active, et avec une sanctuarisation des numerus clausus pour les primants et les doublants. Nous à Strasbourg, on a fait le choix de rester sur une alter PACES traditionnelle.

WUD. La Conférence n’a pas de site Internet et le dernier tweet sur son compte date de septembre. Vous même vous n’avez pas de Twitter. Pourtant, on parle beaucoup de la médecine de demain. Alors, le numérique à la fac, c’est pour quand ?

JS. On aura un site Internet dans un délai très court. Est-ce que je tweeterai ? Probablement non, mais ce n’est pas de l’anti-Trump ! Je ne suis pas sûr que ce soit adapté à notre mode de fonctionnement : on veut éviter les réactions impulsives et l’immédiateté. Sinon, je vous rappelle qu’on est hyper à la pointe par rapport à toutes les autres disciplines ! C’est la Conf’ des doyens qui met en place les examens zéro papier dans les facs’, les ECNi c’est nous, toutes nos PACES sont totalement numériques, tout le troisième cycle est numérisé, et la prochaine étape c’est le deuxième cycle. On est hyper en pointe sur le sujet, sauf qu’on ne tweet pas !

WUD. Dans votre profession de foi, vous citez Nelson Mandela : « Aucun de nous, agissant seul, ne peut attendre le succès ». Qu’est-ce que cette phrase signifie pour vous ?

JS. Ça, c’est exactement le petit grain de sel que je mettrai à titre personnel. Je suis un empathique enthousiaste, passionné de ce que je fais. Je crois fondamentalement à la bienveillance collective : on agit qu’en équipe. Et j’ai été élu avec 36 voix sur 38, ce qui je crois n’est jamais arrivé à la Conférence des doyens. Je sais donc que j’ai derrière moi tous mes doyens. Sauf deux, je ne sais pas qui c’est, mais c’est pas grave ! Moi j’aime la France, j’aime mon pays, et je veux pousser ses valeurs humanistes dans tous les projets qu’on mènera.

WUD. En France, des internes se suicident. Qu’allez-vous faire pour améliorer leur qualité de vie au travail ?

JS. Les suicides réels sont très très rares. Les étudiants ont des idées noires et des difficultés mais je ne suis pas certain du tout que ce soit spécifique aux étudiants en médecine. Je crois que c’est l’expression de notre société, l’expression d’un mal-être plus global. Alors il ne faut jamais être dans le déni, mais il faut être juste, ne pas être dans l’instrumentalisation. Il y a intrinsèquement dans le métier de médecin quelque chose qui est stressant, mais ça n’a rien à voir avec l’organisation structurelle du système.

Nous on est là 24/24, 7/7. On est là pour la continuité des soins et il faut que ça marche, pour les gens. Et ça a un coût : un coût humain, qu’il faut réguler le mieux possible, pour avoir le moins de souffrance possible. On a un boulot compliqué, en étant confronté régulièrement au malheur des gens. Et ça, il faut qu’on l’apprenne à nos étudiants, pour ne pas qu’ils le découvrent en fin d’études. Ce sont des valeurs à transmettre, mais ce n’est pas facile.

Source:

Thomas Moysan

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