« Je ne viens plus au cabinet avec la boule au ventre », l’assistante médicale change la vie des généralistes

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"Aujourd'hui je fais davantage de médecine, et je ne reviens quasiment plus le dimanche" : médecin généraliste à Saint-Louis (Alsace), Eliane Racamier s'épuisait à la tâche. Depuis quelques mois, elle dispose du soutien d'une assistante médicale, un renfort bienvenu mais qu'elle aimerait voir se pérenniser.

« Je ne viens plus au cabinet avec la boule au ventre », l’assistante médicale change la vie des généralistes

© IStock 

Dans son cabinet en rez-de-chaussé d'une barre d'immeuble, de petites affichettes scotchées dans la salle d'attente et jusqu'à la porte d'entrée annoncent la couleur : "Le docteur Racamier ne prend plus de nouveaux patients".

Enfants, adultes, personnes âgées, plus de 2 180 personnes sont suivies ici. "J'ai intensifié mon activité ces 20 dernières années pour répondre au manque de médecins", explique Eliane Racamier, 61 ans, et toujours des semaines de travail à plus de 60 heures.

Mais depuis six mois, elle ne travaille plus seule : dans son cabinet, l'ancienne salle d'attente a été réduite, pour aménager un vrai bureau, désormais utilisé par une assistante médicale.

"C'est un poste où je suis à la fois secrétaire médicale et aide soignante », explique Audrey Ortis, 45 ans, qui a effectué une formation diplômante avant d'être embauchée. En plus de gérer les rendez-vous, de tenir les dossiers patients à jour ou de traiter le courrier, elle peut prendre la tension, mesurer la saturation artérielle (taux d'oxygène dans le sang) ou renouveler une ordonnance.

"L'objectif c'est de préparer au maximum les consultations, pour que la médecin gagne du temps", explique cette mère de deux enfants, également titulaire d'un diplôme de puériculture. "Les rendez-vous peuvent facilement durer plus que les 15 ou 20 minutes prévues en général, en plus des urgences qui s'ajoutent quotidiennement. Donc je fais tout pour éviter trop de retard".

Pour les patients, le travail en duo, c'est aussi l'assurance d'une meilleure prise en charge

Pour Eliane Racamier, le travail fourni par son assistante médicale représente une aide salvatrice.

"Je ne viens plus au cabinet avec la boule au ventre. Alors qu'avant c'était tous les jours, parce que je savais la masse de travail qui m'attendait", confie-t-elle. "Maintenant je fais plus de médecine et je m'énerve moins sur les patients. Quand on est épuisé, on ne peut plus rien donner aux gens, on n'a plus d'empathie. Là c'est plus agréable, ça ramène de l'humanité".

Pour les patients, le travail en duo, c'est aussi l'assurance d'une meilleure prise en charge. "Je devais faire l'orientation d'un patient psychotique, tabagique, obèse, vers un établissement sanitaire", se souvient Eliane Racamier. "Ce sont des démarches longues, compliquées. Seule, je n'aurais jamais eu le temps. Et pourtant, cet homme en avait besoin". Finalement, grâce à la persévérance d'Audrey Ortis, le patient a pu être admis dans un service spécialisé à Valence.

Malgré son statut de médecin libéral, Eliane Racamier n'avait pas eu jusqu'ici la possibilité d'embaucher une assistante: assurer le paiement de son salaire représentait une charge financière trop conséquente pour un cabinet avec un seul professionnel.

Pour augmenter ses revenus, avec un agenda déjà trop chargé pour accroître le nombre de rendez-vous, il lui restait une option : augmenter ses tarifs. Mais elle s'y refuse, attachée à un exercice en secteur 1 avec des tarifs fixés par convention médicale avec la sécurité sociale, soit 25 euros la consultation.

"Je veux pouvoir soigner le mec en CMU (couverture maladie universelle, ndlr) ou au chômage, et toutes les personnes âgées qui n'ont qu'une petite retraite".

L'Assurance maladie : c'est elle qui prend en charge, à 100% et pendant cinq ans, le salaire de l'assistante médicale

Alors, pour s'attacher les services d'Audrey Ortis, Eliane Racamier a négocié avec l'Assurance maladie : c'est elle qui prend en charge, à 100% et pendant cinq ans, le salaire de l'assistante médicale, grâce au plan Ma Santé 2022, récemment entré en vigueur.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/martial-jardel-un-medecin-un-camping-car-et-des-deserts-medicaux

Mais le financement est attaché à un certain nombre de conditions (exercer dans un désert médical; nombre minimum de patients ...), qui freinent les médecins, ce que déplore Eliane Racamier. Pour dénoncer la situation, elle a rejoint jeudi 1er décembre la grève initiée par le mouvement "Médecins pour demain".

"C'est à la sécurité sociale, à la société de prendre ça en charge. Parce que les jeunes médecins ne veulent plus travailler 65 heures par semaine. Certains ne s'installeront pas", assure-t-elle. "Et pourtant il y a urgence. Plein de gens n'ont plus accès à un médecin traitant... et ça va s'aggraver."

Avec AFP

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