Des patientes mutilées par des implants vaginaux demandent l'arrêt des poses, les médecins commencent à se mobiliser

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"Des souffrances minimisées et des années d'errance médicale" : victimes de mutilations et douleurs invalidantes après la pose d'implants vaginaux, un collectif de patientes rencontre ce vendredi des représentants de gynécologues, qui réclament de leur côté un "plan national" pour mieux les soigner.

Des patientes mutilées par des implants vaginaux demandent l'arrêt des poses, les médecins commencent à se mobiliser

"Pendant des années, j'avais comme des coups de poignard dans le vagin, des douleurs insupportables quotidiennement dans le bassin, la hanche, la jambe. Par moments, j'avais l'impression que mon corps s'ouvrait, que tout s'écartait. Les médecins minimisaient ma douleur, me disaient «  c'est pas l'implant, c'est dans votre tête »", raconte à l'AFP Anabela Neto, 54 ans.

Son calvaire ressemble à celui des dizaines d'autres femmes qui ont récemment témoigné dans Le Parisien, ou des 800 victimes réunies dans un groupe d'entraide sur Facebook.

Elles souffraient d'incontinence urinaire ou de prolapsus (descente d'organes) et ont été opérées, avec la pose d'une "bandelette sous-urétrale" ou d'un "implant de renfort pelvien" en polypropylène, développés depuis les années 1990. Elles ont vu leur vie brisée par les effets secondaires, racontent-elles.

Les complications, dues notamment à une réaction de l'organisme ou une mauvaise pose, varient entre infections urinaires, lésions, ou douleurs chroniques qui empêchent de marcher, s'asseoir, avoir une vie sexuelle. Ces dispositifs s'incorporent progressivement aux tissus et leur retrait, difficile, peut être mutilant.

En 2019, les autorités ont imposé une certification systématique par la Haute autorité de santé (HAS), conduisant au retrait d'une partie des dispositifs. En 2021, quelque 33 000 ont été implantés, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament.

Sept ans de souffrance 

Opérée à Pau (Pyrénées-Atlantiques) en 2018, Anabela Neto dénonce son "errance médicale de cinq ans", à coups d'anti-douleurs, infiltrations, ou séances chez le psychiatre.

"J'ai passé un an en fauteuil roulant, j'étais prête à me suicider", confie-t-elle. Elle est enfin orientée au CHU de Rennes puis de Toulouse grâce à d'autres victimes. "Quand l'urologue m'a dit « la bandelette est trop serrée », j'en ai pleuré", se souvient-elle. L'implant désormais retiré, elle "va mieux" et espère ne pas garder de séquelles.

"Généralement les médecins disent «  c'est impossible à enlever », personne ne les forme à cela", regrette Anne-Laure Castelli, 40 ans et administratrice du groupe d'entraide sur Facebook. Elle a "souffert sept ans" avant de se faire opérer aux Etats-Unis et participera vendredi après-midi à une visioconférence avec des représentants des gynécologues-obstétriciens.

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Anne-Laure Castelli y dénoncera les prothèses "posées à l'aveugle par des chirurgiens inexpérimentés", leur "manque d'écoute", leur "méconnaissance" et "une sorte de déni, parce que ces chirurgies sont rémunératrices", assure-t-elle.

Des décrets de 2020/2021 imposent l'information complète de la patiente avant d'opérer, la "pluridisciplinarité" de la décision et une pratique "régulière" du chirurgien. Mais selon elle, ils ne "sont pas respectés", accuse-t-elle, réclamant "l'arrêt des poses".

Quatre-vingt femmes ont déposé plainte dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte en 2021 contre "X" pour tromperie aggravée et blessures involontaires, et commencent à être entendues par les enquêteurs, selon Me Hélène Patte, l'une des quatre avocates saisies.

« Ça n'existe pas »

"Certains médecins, qui n'ont jamais vu ces complications sévères rares, sont tentés de dire que ça n'existe pas", regrette le Pr Michel Cosson, président de la commission "pelvi-périnéologie" du Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF).

Il appelle à "un plan national pour structurer la prise en charge" des victimes, avec une "liste de centres experts pluridisciplinaires", dotés de moyens, vers lesquels ces femmes seraient systématiquement orientées. Il faut aussi "mieux encadrer" la pose car l'obligation de "pratique régulière" est "floue", juge-t-il.

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"On pourrait concentrer la chirurgie dans certains établissements, entre des mains qui en ont grandement l'habitude", suggère le Pr Xavier Deffieux, gynécologue spécialisé en pelvi-périnéologie à Clamart (Hauts-de-Seine) et membre du CNGOF.

Cette idée "serait catastrophique en termes d'accès aux soins", estime au contraire le Pr Xavier Gamé, président du collège professionnel d'urologie (CNPU). "Nous organisons des formations, développons la recherche" en vue d'alternatives thérapeutiques, mais aujourd'hui, le rapport bénéfice-risque reste favorable, dit-il.

"Les complications, c'est 2,9% des cas (selon des études contestées par les victimes ndlr), mais ces souffrances doivent être entendues" et traitées rapidement, déclare le médecin. "Il faut relever les manches".

Avec AFP

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