Pilotage hospitalier : le gouvernement navigue à vue (et c’est un rapport du Sénat qui le dit !)

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Pour sauver un hôpital qui se vide de ses personnels soignants et ferme ses lits, quelles sont les pistes ? C’est sur cette question qu’a planché un groupe de sénateurs, qui a rendu ses conclusions ce jeudi 31 mars.
 

Pilotage hospitalier : le gouvernement navigue à vue (et c’est un rapport du Sénat qui le dit !)

«Le gouvernement n’a pas d’outil fiable aujourd’hui pour piloter une politique de ressources humaines hospitalière au niveau national. Cela peut sembler surprenant, mais c’est la réalité ». C’est sur ce constat sans appel que Catherine Deroche, rapporteure et sénatrice Les Républicains du Maine et Loire, a démarré la présentation des conclusions de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, ce jeudi 31 mars, lors d’une conférence de presse.  
Constituée à l’initiative du groupe Les Républicains, cette commission a recueilli pendant trois mois le témoignage de l’ensemble des acteurs concernés sur les tensions qui fragilisent les hôpitaux et affectent la prise en charge des patients. Des problèmes qui ne datent pas d’hier certes, mais qui ont été largement accentués par deux ans de crise sanitaire.

Où sont les soignants ? Personne ne le sait…

Quels sont les effectifs globaux en personnel hospitaliers et leur évolution ? Combien de postes sont-ils vacants au niveau national ? Quels sont les ratios « patients par soignant » nécessaires pour une bonne qualité de prise en charge ? Au-delà de quel seuil critique les fermetures de lits deviennent-elles inévitables ?  Ces questions fondamentales -qui étaient pourtant le point de départ des travaux de cette commission- n’auront donc pas trouvé de réponses.
Le rapport pointe (p.42 et suivantes) le peu d’évaluation des flux de départ et de recrutement : « le suivi centralisé n’existe que pour les personnels de direction et les praticiens hospitaliers titulaires ». Le taux de vacance sur ces postes de PH titulaires à temps plein est passé de 30,3% à 32,6% entre 2020 et 2022. A noter : l’ampleur des démissions (54%) et des mises en disponibilité (38%) comme explication donnée lors de ces départs. Pas de données consolidées en revanche pour les postes de praticiens contractuels ou intérimaires.
 

Un Ségur trop tardif et beaucoup d’amertume

« Lors de nos auditions, nous avons mesuré la réalité du malaise des personnels hospitaliers. Ils sont au bout du bout du rouleau…. Cette souffrance au travail est antérieure à la pandémie mais a été accentuée par elle. La perte de sens dans leur travail est très forte. Ils subissent des injonctions contradictoires entre des objectifs de qualité des soins de plus en plus nombreux et de moins en moins de temps pour chaque patient », témoigne Catherine Deroche.
Si les revalorisations du Ségur ont été d’une ampleur « inédite », leurs modalités d’application ont été délétères. « Le saupoudrage de ces mesures au fil des années 2020 à 2022 et leur extension sans réflexion d’ensemble et par à-coups aux « oubliés du Ségur » auront généré une amertume qui ne tarit pas », souligne le rapport. Combinée à la dégradation des conditions de travail, cette amertume est à l’origine des nombreux départs de personnels soignants observée ces derniers mois.
 

Du nouveau pour le financement de l’hôpital ?

Les mesures préconisées en matière de ressources humaines ont pour la plupart un air de déjà-vu, mais gagneraient à être (mieux) appliquées, après de nombreux rapports en ce sens : meilleurs encadrement et rémunération des heures supplémentaires, revalorisation du travail de nuit et de week-end, redynamisation de la politique de qualité de vie au travail, développement d’outils numériques plus performants, délégation des tâches administratives chronophages, renforcement des effectifs infirmiers et aides-soignants, développement des passerelles et possibilités de reconversion, médicalisation de la gouvernance hospitalière, etc….
Les pistes de réforme des modalités de financement de l’hôpital semblent en revanche plus novatrices, avec la proposition de limiter la tarification à l’activité à certains actes et de « mixer un financement sur trois étages » : une dotation basée sur l’activité et le coût réel des actes ; une dotation populationnelle en fonction des besoins de santé spécifiques du territoire et une dotation basée sur la qualité des soins, avec de nouveaux critères plus simples et efficients. « Les personnels hospitaliers désespèrent car ils ne voient qu’une seule règle s’appliquer à eux depuis dix ans : celle de faire des économies ! L’ONDAM est devenue une règle qui n’est plus comprise par les soignants, donc il faut la modifier », a ainsi indiqué Bernard Jomier, président de cette commission et sénateur de Paris (Socialiste, écologiste et républicain).
 

 

 

 

 

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