Pertinence des soins : la FHF s’attaque aux chirurgies inutiles

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`A qui la faute ?

Pertinence des soins : la FHF s’attaque aux chirurgies inutiles

Une enquête réalisée par la FHF met – une nouvelle fois – en lumière de fortes disparités régionales dans le recours aux actes chirurgicaux. La course à la rentabilité, parmi d’autres facteurs, met les services sous pression, même dans les grandes structures hospitalières.

Les disparités régionales dans l’accès aux soins n’en finissent plus de faire parler. Après les déserts médicaux, c’est au tour de la pertinence des soins de focaliser l’attention. Ce dimanche, la Fondation Hospitalière de France (FHF) a publié une étude qui s’intéresse aux taux de recours à différentes opérations chirurgicales. Et, selon les zones de Métropole, il peut varier du simple au double.

Les chiffres de césariennes, de chirurgies du cristallin, de pontages coronariens, de poses de stents et de chirurgies du rachis ont été analysés. Ainsi, le recours moyen standardisé à la pose d’une endoprothèse vasculaire est environ deux fois plus élevé dans la région Grand Est (entre 272 et 353 pour 100 000) qu’en Bretagne (entre 160 et 214). Selon les actes, les régions aux taux de recours les plus élevés varient, mais les disparités régionales sont toujours importantes.

Le chirurgien n'est pas toujours un vampire 

Les raisons expliquant ces différences sont multiples. L’appât du gain peut être l’une d’entre elles, mais est insuffisante. Pour les césariennes, dont les chiffres peuvent varier du simple au vingtuple, les habitudes des obstétriciens et les demandes des patientes ont aussi une influence importante.

Pour ces procédures de maternité comme pour d’autres, le nombre d’actes réalisés relève parfois tout autant de la survie des services. Il faut remplir des quotas pour assurer la rentabilité. Une logique bien connue dans les cliniques, mais qui s’est répandue dans le secteur public. « Aujourd’hui, un chirurgien hospitalier qui n’utilise pas assez son bloc opératoire perd des infirmières dans son service, donc il peut préférer pousser la machine », explique dans le JDD le Pr Israël Nisand, obstétricien au CHU de Strasbourg. Les maternités fermées, qui se sont multipliées, en sont témoins.

On demande 100 greffes à l’accueil

Cette nécessité de remplir les blocs s’est récemment exprimée avec fracas à l’Hôpital Henri-Mondor de Créteil. Le 21 novembre dernier, l’AP-HP a annoncé le regroupement des activités de greffe hépatique vers l’Hôpital Paul-Brousse de Villejuif. Une décision visiblement prise en catimini au mois de juillet, d’après les informations de l’union syndicale de Mondor, relayées par le Parisien le même jour.

« Le problème à Mondor, c’est qu’on demande un certain nombre d’actes annuels pour justifier l’ouverture du service », regrette le Dr Fabien Cohen, porte-parole de la Coordination de vigilance du GHU Henri Mondor/Albert Chenevier, contacté par What’s up Doc. « Pour le service de chirurgie hépatique, il s’élève à 100 greffes de foie, alors que seulement 80 sont réalisées. C’est la même chose pour celui de greffes cardiaques, qui atteint 10-15 par an, contre 20 demandées. »

Des économies à court terme

L’AP-HP est en situation financière difficile, ce qui explique sa volonté de trouver des solutions pour réaliser des économies immédiates, estime le Dr Cohen, qui s’inquiète de l’avenir à court terme du service de chirurgie hépatique, mais aussi de celui de greffe cardiaque à moyen terme.

Une logique absurde, sur laquelle AP-HP et ARS Île-de-France ne s’accordent pas. La première demandant de réduire le nombre de pôles de chirurgie hépatique de quatre à trois, alors que la seconde en recommande cinq. « L’AP-HP est en train de démanteler des plateaux d’excellence, uniquement pour réduire l’activité, et sans se soucier des besoins », peste le Dr Cohen. « Les chirurgiens sont donc poussés à la consommation d’actes médicaux pour faire survivre leurs services ».

De la rentabilité à la pertinence

Les chirurgies analysées dans l’étude de la FHF sont, dans l’ensemble, des interventions de routine, bien remboursées. Les chirurgiens hésitent donc moins à prescrire plus que le strict nécessaire. La pression financière et organisationnelle dans les hôpitaux l’incite. Une situation que la ministre de la Santé dit vouloir changer. Il en va de la santé financière de l’Assurance Maladie, comme de la santé des patients.

Dans un entretien accordé au JDD en octobre, elle expliquait en effet que « 30 % des dépenses de l’Assurance Maladie ne sont pas pertinentes », et que le système actuel de financement des hôpitaux, rémunérés au nombre d’actes qu’ils pratiquent, serait remplacé par « des modes de tarification centrés sur la pertinence des soins ». Un changement qui sera sans doute compliqué à mettre en œuvre dans des hôpitaux qui se battent pour restaurer un équilibre comptable.

Crédits photo : Jenn Vargas/Flickr

Source:

Jonathan Herchkovitch

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