La filière de recyclage des masques, passée à la loupe par les parlementaires

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Conséquence directe de la pandémie, la production de masques chirurgicaux a explosé en 2020. Pour aider la filière du recyclage à faire face, l’Assemblée Nationale a lancé une mission flash sur le traitement des masques usagés.

La filière de recyclage des masques, passée à la loupe par les parlementaires

Bas les masques ! Le 28 janvier dernier, les députés Danielle Brulebois (LREM) et Gérard Leseul (PS), nommés rapporteurs par la commission du développement durable de l’Assemblée Nationale, publiaient les conclusions de la mission flash qui leur a été confiée le 16 décembre dernier. Leur objectif ? Identifier les leviers à actionner pour mieux recycler les masques utilisés dans le cadre de la lutte contre la Covid-19.  
 
Pour faire face à la propagation de l’épidémie en France, le masque est devenu l’allié-santé de millions de Français. En tout, entre 6,8 et 13,7 milliards de masques à usage unique auraient été utilisés en France selon l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (ADIT). Un basique avec un coût écologique puisque cette explosion de la consommation serait responsable de 40 000 à 100 000 tonnes de déchets non recyclés en France. « Composés de microfibres de polypropylène, une matière plastique, les masques chirurgicaux ne sont pas recyclables », rappelle le rapport. Par ailleurs, l’ONU estime que 1,5 milliard d’entre eux auraient déjà terminé leur course dans l’océan.
 
Des freins au recyclage
 
Industriels du recyclage, élus locaux, entreprises, organismes de recherche (CNRS, CEA, Inserm, Anses et Ademe), associations ou encore Direction Générale de la Santé… Depuis le 16 décembre, tous ont été invités à s’exprimer sur la question. Un travail conséquent qui a permis d’identifier plusieurs freins au recyclage. « Bien que les masques jetables soient essentiellement composés de plastique, ils ne peuvent pas être jetés dans la poubelle jaune » ; « Le coût économique de la valorisation des masques reste peu incitatif » ; « Nous avons peu de visibilité sur l’évolution de la consommation des masques » ; peut-on lire pêle-mêle. 
 
Des initiatives locales
 
Si elles expliquent que le recyclage des masques n’a pas « constitué une priorité ni pour les pouvoirs publics, ni pour les industriels du recyclage » jusqu’alors, ces contraintes  n’ont pas empêché quelques « initiatives prometteuses » de fleurir. De la région parisienne aux Hauts-de-France en passant par le Centre-Val-de-Loire et l’Ain, de nombreuses entreprises ont mis leur savoir-faire au service de la collecte et du recyclage de masques. Parmi elles ? Plaxtil (Vienne), Cosmolys (Nord) ou encore Neutraliz (Tours). Transformation des masques usagés en polypropylène pur, broyage de ces déchets pour en faire de nouveaux emballages ou encore valorisation de la matière recyclée en tee-shirt et vêtements font notamment parties des options explorées. « Il existe donc sur le terrain de belles initiatives et beaucoup de bonnes volontés », souligne les deux députés.
 
Une activité qui a trouvé un écho certain à l’échelle régionale. « Concernant les collectivités territoriales, certains départements ont mis en place des projets de partenariats avec des entreprises sociales et solidaires ou des associations afin de favoriser le recyclage des masques. C’est le cas notamment de l’Ille-et-Vilaine et de la Vienne », souligne le rapport. À noter que l’initiative de l’entreprise Neutraliz est également soutenue par la métropole Tous Val de Loire. Un bon point a également été attribué à la région Ile-de-France qui organise un appel à manifestation d’intérêt intitulé « Recyclage des masques à usage unique » afin d’identifier et d’accompagner des dispositifs de collecte et de recyclage. Deux millions d’euros ont été alloués à cette initiative. « Pour être pertinent, le recyclage doit s’effectuer en circuit court, à l’échelle d’un territoire », insistent les deux rapporteurs.
 
Les aides publiques, un soutien financier qui doit s’intensifier  
 
Un déploiement intéressant qui doit être soutenu par les aides publiques. Si certaines ont déjà été mises en place – comme la mesure de soutien au financement d’équipements de banalisation des déchets d'activités de soins à risques infectieux assimilés (DASRI), « les soutiens et l’accompagnement publics doivent être accrus ». Ainsi, les deux rapporteurs invitent notamment à élargir le fonds « économie circulaire » de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) - qui finance les banaliseurs de DASRI - à s’investir en faveur de projets visant le recyclage des masques. « Nous pensons également au contrat impact. [Il] paraît en effet particulièrement adapté à la problématique du recyclage des masques puisqu’il constitue un partenariat entre le public et le privé destiné à favoriser l’émergence de projets sociaux et environnementaux innovants », ajoute les deux parlementaires.

À cette liste non-exhaustive, les parlementaires ajoutent également la possibilité d'inclure le recyclage des masques jetables à la filière à responsabilité élargie du producteur (REP). Dès 2024, cette dernière sera chargée de traiter les textiles sanitaires. Un autre levier à actionner, selon eux, pourrait également être la mise en place d'un label valorisant les entreprises s’engageant dans la voie du recyclage de masques. « Plutôt que d'[en] créer un énième, le label « anti-gaspillage alimentaire » […] pourrait être étendu au-delà du seul secteur de l’alimentation », indiquent-ils.
 
Le grand public, un acteur qui doit être sensibilisé
 
Des initiatives de recyclage que les deux rapporteurs invitent à lier à la sensibilisation du grand public. Ainsi, il s'agit de promouvoir plus largement l’utilisation des masques réutilisables, de rappeler que les masques doivent être jetés dans la poubelle grise ou encore à créer des points de collectes spécialisés dans les lieux publics. « Sur le modèle de ce qui existe pour les piles », indique le rapport.

Sans oublier que la piste du lavage des masques jetables doit être plus largement investie. Un consortium, composé notamment du CNRS, du CEA, de l’Inserm, de l’Anses, a en effet démontré que les masques chirurgicaux conservaient leur efficacité après dix lavages. Pour l’heure pourtant, certains points restent à éclaircir. « Pour pouvoir recommander un tel traitement des masques chirurgicaux usagés, il faudrait au préalable examiner l’effet […] du port répété de ces mêmes masques durant quatre heures, ce qui suppose de réaliser un essai clinique », souligne les parlementaires. Des pistes intéressantes qui nous rappellent cependant que le meilleur déchet est encore celui qu’on ne produit pas !
 

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