Temps de travail des internes : les États-Unis chargent la mule

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28 heures d’affilée, qui dit mieux ?

Temps de travail des internes : les États-Unis chargent la mule

Aux États-Unis, les résidents de première année pourront être amenés à travailler jusqu’à 28 heures d’affilée. Mais c’est pour leur bien…

Il faut charger la mule pour lui faire le dos. C’est, en substance, l’argument avancé par l’Accreditation Council for Graduate Medical Education (ACGME), l’organisme américain responsable de la formation des médecins, pour étendre la limite de temps de travail des résidents de première année.

Petit rappel. Les futurs médecins américains complètent leur formation initiale par une résidence à l’hôpital, qui équivaut à notre internat. Or, depuis 2003, une loi limite à 16 heures l’amplitude horaire maximale pour les résidents de première année. Moins de fatigue donc moins de risque d’erreurs, pour ces jeunes toubibs tout juste sortis d’école.

Travailler plus pour soigner pareil

Oui, mais voilà : l’argument de la fatigue ne semble plus faire recette. « De la même façon que les apprentis conducteurs font de la conduite accompagnée sur la route, les résidents doivent se former en conditions de soins réelles », déclare le Dr Thomas Nasca, directeur de l’ACGME, dans une lettre à la communauté médicale.

Ce revirement s’appuie sur plusieurs études qui démontrent l’innocuité d’une telle modification des horaires pour les patients. (On ne saura rien, en revanche, de l’innocuité pour les résidents eux-mêmes.) L’augmentation du temps de travail permet notamment de limiter les transmissions, propices aux cafouillages en tous genres.

Tant va l’interne au charbon qu’à la fin il se forme

Le nouveau plafond serait aussi, à en croire Thomas Nasca, une bonne occasion de se faire les mollets. « On pourrait comparer la formation médicale à l’entraînement d’un marathonien », a expliqué le directeur de l’ACGME au site NPR. « Il faut trouver sa foulée, apprendre à se gérer soi-même et à connaître ses limites. »

Les marathoniens de première année devraient ainsi se voir logés à la même enseigne que leurs aînés : une amplitude maximale de travail portée à 24 heures, à quoi s’ajoutent 4 heures dédiées aux transmissions. Total : un « shift » de 28 heures, dans la limite – inchangée, quant à elle – de 80 heures par semaine.

Bref, de quoi calmer les plus atlantistes d’entre nous.

Un commentaire, une suggestion ?

On s’en doute, l’annonce a fait grincer quelques dents. « Les études montrent les unes après les autres que les médecins résidents en manque de sommeil sont un danger pour eux-mêmes, leurs patients et l’entourage », s’est insurgé le Dr Michael Carome, directeur du groupe de recherche en santé de l’ONG Public Citizen.

Pour l’heure, et même si l’ACGME a déjà laissé entendre qu’elle disposait de nombreux soutiens dans le monde du soin, la proposition est encore provisoire. Les résidents et les séniors ont encore un mois pour faire leurs retours. Après quoi, il ne sera plus temps de renâcler.

Source:

Yvan Pandelé

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