Sosthène Munyemana, gynéco rwandais, nie avoir participé au génocide, pire il voulait « sauver » des Tutsis

Article Article

Il reste droit dans ses bottes. Jugé à Paris sur son éventuelle implication dans le génocide au Rwanda en 1994, l'ancien médecin Sosthène Munyemana a assuré aujourd’hui que loin d'avoir voulu tuer des Tutsis, il avait tenté de les "sauver".

Sosthène Munyemana, gynéco rwandais, nie avoir participé au génocide, pire il voulait « sauver » des Tutsis

© Midjourney x What's up Doc

Depuis lundi, il répond devant les assises de Paris à un feu roulant de questions sur le fond des accusations dont il fait l'objet et qu'il conteste depuis le début.

Debout à la barre du matin à tard dans la soirée, Sosthène Munyemana, 68 ans, ne se démonte pas et donne sa version des événements, point par point, sans jamais se départir de son calme.

Dans cette procédure, ouverte il y a 28 ans, on lui reproche notamment d'avoir détenu, pendant une partie du génocide, la clé du bureau de secteur de Tumba, dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), et d'y avoir enfermé des Tutsis, qui ont ensuite été emmenés dans d'autres lieux et exécutés.

Sosthène Munyemana : « Le bureau de secteur constituait un refuge pour les personnes qui n’avaient pas où se cacher »

"Le bureau de secteur constituait un refuge pour les personnes qui n’avaient pas où se cacher", affirme à la cour l'accusé.

Ayant "appris que des personnes qui se sont réfugiées autour du bureau de secteur ont été tuées dans la nuit du 21 eu 22 avril (…), que des filles ont été violées, j’ai pris l’initiative d’en informer" le conseiller de secteur François Bwanakeye, explique-t-il.

Ce dernier lui fait parvenir la clé du bureau le lendemain. "A partir de ce moment-là, j’ouvre la porte aux réfugiés qui étaient rassemblés autour du bureau de secteur".

Le conseiller passe le lendemain et appelle le bourgmestre Joseph Kanyabashi, qui "envoie une équipe pour chercher ces personnes". "Je pensais qu’ils allaient être mis en sécurité puisque Kanyabashi le promettait à Bwanakeye", argue l'accusé.

Joseph Kanyabashi a été condamné définitivement en 2015 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à 20 ans de réclusion criminelle pour incitation au génocide.

Au total, entre le 23 avril et le 15 mai, date à laquelle il dit avoir rendu la clé, Sosthène Munyemana a ouvert la porte du bureau quatre fois à des Tutsis en détresse. Et sur la cinquantaine de personnes passées par le bureau de secteur, une seule est parvenue à s'échapper au moment de son transfert. Les autres n'ont jamais été revues vivantes.

Confronté aux témoignages des proches des victimes, qui l'accusent d'avoir été au courant des tueries ou encore d'avoir maintenu les Tutsis enfermés dans des conditions indignes, sans eau ni nourriture, l'ancien médecin réfute systématiquement les déclarations.

"Il y avait un carreau d’une fenêtre cassée et les personnes pouvaient être alimentées ou avoir à boire", raconte-t-il.

Sosthène Munyemana : « Mon intention était de sauver ces personnes »

"Mon intention était de sauver ces personnes", assure-t-il. "J’ai répondu à mon élan du cœur en faisant au moins ce qui était possible pour moi", poursuit-il.

"Je ne m’attendais pas à ce que ces personnes soient tuées là où elles ont été amenées. C’est dommage", souffle-t-il.

"Vous avez été dupé ?", lui demande le président de la cour d'assises, Marc Sommerer. "C'est possible que j'ai été abusé", répond Sosthène Munyemana.

Le magistrat lui fait observer que ce qui s'est passé à Tumba était un "copié-collé" de ce qui se passait dans le reste du pays, où des Tutsis étaient enfermés dans des lieux administratifs ou encore des églises avant d'être tués.

Conçoit-il qu'il ait pu "apparaître comme un maillon administratif" de la chaîne génocidaire ? "Dès le début j'interviens en tant que citoyen", oppose l'accusé. "Je ne suis le maillon d'aucune chaîne".

"Moi je vois mon objectif de sauver des personnes", maintient-il. "Je n’ai jamais pensé qu’il y aurait un autre plan, une autre manigance". "Vous avez été un naïf au grand cœur", rétorque, un brin ironique, le président.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/comment-juger-le-gyneco-sosthene-munyemana-accuse-davoir-participe-au-genocide-au-rwanda-29

Les parties civiles doivent plaider jeudi et le ministère public rendre ses réquisitions vendredi. Le verdict est prévu le 19 décembre.

Avec AFP

Les gros dossiers

+ De gros dossiers