Après la côte landaise de Sous le sable, François Ozon choisit à nouveau une ambiance maritime et plante sa caméra à Dinard pour nous parler de deuil. Et si Charlotte Rampling, au crépuscule de sa vie, semblait se perdre après la mort de l'être aimé, le jeune Félix Lefebvre - une formidable révélation qui endosse son rôle avec une totale conviction et porte cet Eté 85 à lui tout seul - semble se trouver, entrer dans la vie, assumer son histoire, au prix de cette même perte, voire grâce à elle. Ce qui ne peut rendre ce récit initiatique, hanté par le mystère teinté de nostalgie eighties des côtes bretonnes, que plus troublant.
Obsédé par la mort comme peuvent l'être bon nombre d'adolescents, projeté sur la ligne de crête que constitue la découverte du sentiment amoureux, entre énergie vitale et confrontation à la possibilité d'une perte, bref à ce qui le rend singulier et indéfinissable, Alex se rend pourtant compte, avec l'aide de la littérature, qu'il va devoir sortir des schémas imposés sur lesquels il s'est jusque là construit - idéalisation de l'amour tout comme conditionnement sociaux - pour aller vers sa destinée, qu'il choisit d'être synonyme de liberté. Cet affranchissement progressif est beau à suivre car il n'est jamais vraiment au premier plan, il irrigue le film de façon souterraine, par exemple lors des scènes intra-familiales dont le caractère anodin est transcendé par la générosité du jeu d'Isabelle Nanty. On le sait, Ozon n'aime rien tant que les trompe-l'oeil ou les chausse-trappe.
Le problème, c'est qu'en choisissant une forme assez grossière - que ce soit dans la description de l'emprise amoureuse ou, surtout, dans une construction en flash-backs caricaturalement et inutilement policière - le réalisateur leste un peu trop la barque et nous impose presque la banalité de son premier degré narratif. Alors que de l'intrigue l'on se contrefout... A moins que ce ne soit pour coller totalement à la psyché adolescente, qui n'aime rien tant que dramatiser ce qui paraît commun et superficiel aux adultes que nous sommes devenus !
Heureusement, on retrouve avec un certain plaisir ses obsessions régulières, notamment cet attrait pour le pouvoir de l'imaginaire et cette propension à brouiller les frontières entre réalité et fiction. Et toujours cette habileté à retranscrire une époque, ou plutôt à sélectionner ce qu'il veut nous faire percevoir de celle-ci. Dans cette chronique au coeur des années 80, et notamment à travers ce personnage fantasmé, peut-être imaginaire, de David, comment ne pas voir le symbole, la contradiction inhérente de cette décennie - la revendication d'une liberté au moment même où les derniers idéaux disparaissaient et débutaient de grands bouleversement - qui garde, encore aujourd'hui, un goût d'adolescence dans l'imaginaire collectif ?