L’ancien médecin rwandais, accusé d’avoir participé au génocide, déclare ignorer que ses amis étaient des extrémistes

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Il les connaissait mais assure n'avoir pas pris conscience qu'ils étaient devenus extrémistes. Jugé devant les assises de Paris, l'ancien médecin rwandais Sosthène Munyemana a dû s'expliquer lundi sur ses relations embarrassantes avec certains membres du pouvoir ayant orchestré le génocide des Tutsis en 1994.

L’ancien médecin rwandais, accusé d’avoir participé au génocide, déclare ignorer que ses amis étaient des extrémistes

© Midjourney x What's up Doc

Quatre semaines après l'ouverture du procès au cours duquel des dizaines de témoins ont été entendus par la cour d'assises sur les massacres commis dans la préfecture de Butare, au sud du Rwanda entre avril et juillet 1994, Sosthène Munyemana a commencé lundi à être interrogé sur le fond des accusations, qu'il conteste.

On lui reproche d'avoir signé une motion de soutien au gouvernement intérimaire institué après l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana qui a déclenché le génocide.

Il est aussi accusé d'avoir participé à un comité de crise ayant mis en place des barrières et des rondes au cours desquelles des personnes ont été interpellées avant d'être tuées, et enfin d'avoir détenu la clé du bureau de secteur de Tumba, où étaient enfermés des Tutsis avant d'être exécutés.

A la barre, il est revenu sur ses amitiés avec deux membres du gouvernement intérimaire : Jean Kambanda, nommé chef du gouvernement intérimaire deux jours après l'attentat et qui a été condamné en 2000 définitivement par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à la réclusion criminelle à perpétuité pour sa participation au génocide ; et Straton Nsabumukunzi, ministre de l'Agriculture de ce gouvernement, qui l'a aidé en juin 1994 à fuir le Rwanda avec ses enfants.

"Straton, je ne l'ai pas connu comme un extrémiste", raconte-t-il lundi à la barre. "Il a fait partie de ce gouvernement, à ce titre il est responsable, mais je ne peux pas aller au-delà de ça".

Sosthène Munyemana faisait-il partie de la France extrémiste Hutu Power ?

Il a par ailleurs assuré avoir mis du temps à prendre conscience de la dérive extrémiste de Jean Kambanda, qu'il connaissait depuis une quinzaine d'années, et qu'il a soutenu dans une motion rédigée le 16 avril 1994.

Au TPIR, ce dernier avait au contraire affirmé que Sosthène Munyemana faisait lui-même partie de la frange extrémiste du Mouvement démocratique républicain (MDR), la tendance "Hutu Power".

"Un non-sens", balaye l'accusé, supposant que Jean Kambanda faisait des "déductions automatiques" du fait de leur amitié, non fondées sur la réalité.

Comment n'a-t-il pas réalisé qu'il s'était radicalisé ? "Quand on est amis, ça met plus de temps de se convaincre que la personne n’est pas celle que vous connaissez", justifie-t-il, affirmant s'en être finalement rendu compte à la mi-mai.

Malgré tout, il lui envoie une lettre pour lui demander d'aider ses enfants à rejoindre leur mère en France au cas où il serait tué dans les massacres.

"Quand on se noie on s'accroche à tout", explique-t-il.

Le 19 juin, Jean Kambanda, de visite à Butare, arrive chez lui, "à l'improviste", inquiet pour son ami après avoir reçu cette lettre. "Certes le génocide est passé par là, il s'est extrêmisé (sic)", mais "je ne veux pas lui dire ‘n'entre pas chez moi’", relate Sosthène Munyemana.

Il raconte que des réfugiés qu'il hébergeait alors s'étaient retrouvés à boire un verre avec le Premier ministre extrémiste, suscitant la surprise de la cour d'assises et des avocats de parties civiles.

"Je ne comprends pas comment des gens qui fuient peuvent boire un verre avec Jean Kambanda, qui planifie ce génocide depuis deux mois", l'interroge Me Mathilde Aublé, qui défend notamment l'association Ibuka.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/comment-juger-le-gyneco-sosthene-munyemana-accuse-davoir-participe-au-genocide-au-rwanda-29

"On n'a pas présenté ‘celui-ci il est tutsi, celui-là il est hutu’", répond Sosthène Munyemana.

"On imagine Hitler prenant l'apéritif avec des juifs, c'est totalement surréaliste", assène Me Simon Foreman, avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

Avec AFP

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