Des médecins au service (secret) de la littérature

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Quand les médecins ne rédigent pas que des ordonnances

Des médecins au service (secret) de la littérature

Un colloque international un peu particulier s’est tenu à Saarbrücken fin janvier. Son thème : « Les médecins-écrivains français et francophones. Imaginaires, poétiques, perspectives interculturelles et transdisciplinaires ». Pourquoi troquent-ils leur stéthoscope ou leur bistouri pour une plume ? En quoi leurs textes sont-ils différents ?

 

Des spécialistes de la littérature se sont réunis à l’Université de Saarbrücken durant trois jours pour débattre, pour la première fois, du cas des médecins écrivains francophones. Au programme, des sujets variés allant de « Henri Mondor et Paul Valéry : vers une poétique de la chirurgie », à l’étude des « stratégies transmédiales chez Martin Winckler ».

Julia Pröll, actuellement professeur associé au département de langues et littératures romanes de l'Université d'Innsbruck, explique l’originalité et l’intérêt de ce colloque : « nous voulions ébranler l’hypothèse des « deux cultures » soutenue par Charles Percy Snow : la littérature (une science “molle”) et la médecine (une science “dure”) seraient deux domaines distincts, incompatibles et concurrentiels. Notre objectif était au contraire d’évaluer les influences réciproques de l’une sur l’autre. »

L’un des grands thèmes abordés lors de ce colloque était celui des motivations des médecins-écrivains. Celles-ci sont variées : de la nécessité d’une prise de distance à celle de l’introspection, de la critique des dérives de la médecine à la transmission d’histoires pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli, les raisons ne manquent pas pour passer du face-à-face avec le patient au face-à-face avec la feuille blanche.

L’écriture contaminée par la médecine ?

Les experts se sont également interrogés sur l’aspect particulier de ces écrits : dans quelle mesure l’écriture littéraire des médecins est-elle contaminée par leur profession ? « Y a-t-il des métaphores médicales, des termes techniques, ou des personnages au profil particulier, dotés d’un sens clinique, d’un regard diagnostic acéré ? Par exemple, dans de nombreuses fictions, les personnages principaux sont des médecins comme dans Le professeur Bernhardi d’Arthur Schnitzler, ou La servitude humaine de William Somerset Maugham », explique Julia Pröll.

Au-delà de ces considérations plutôt philosophiques, s’est posée une question pratique : comment un médecin fait-il pour concilier sa pratique et l’écriture ? Apparemment certains écrivent « entre deux patients », comme Ouanessi Younsi, psychiatre et poète. D’autres ont dû, temporairement au moins, cesser leur activité médicale, telle Malika Mokeddem, écrivain et néphrologue.

Le sujet passionne. Le Dr Louis-Paul Fischer a même consacré un livre aux médecins-écrivains à travers les siècles : Le bistouri et la plume. Les médecins écrivains. Et What’s Up Doc va prochainement ouvrir une rubrique rien que pour eux… à suivre !

Source:

Sarah Balfagon

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