Délires en réseau

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Ciné week-end: Men, Women & Children de Jason Reitman (sortie le 10/12/2014)

Délires en réseau

Il existe au sein du cinéma américain une longue tradition du film choral, dont le représentant le plus emblématique reste Robert Altman, via son célèbre "Short Cuts". Plus récent, "Magnolia" hante encore les mémoires.
Il arrive également que ces histoires entremêlées servent de support de narration pour un film à thèse. C'est le cas de cette chronique douce-amère d'une civilisation franchissant une nouvelle frontière technologique, au risque d'y laisser son âme, semble nous dire Jason Reitman.
Verdict? Contrasté.
A l'évidence, Reitman confirme qu'il est LE réalisateur de l'adolescence américaine, ni trash ni niaiseux (remember Juno!), et le film est extrêmement réussi quand il s'inscrit dans les pas de ces lycéens confrontés à l'emprise des réseaux sociaux et de l'Internet sur leur vie. Les conséquences plus ou moins graves qui vont en résulter sont habilement décrites, et l'on s'attache à ce jeune footballeur qui renonce à sa carrière de sportif universitaire suite au départ de sa mère et trouve un exutoire dans les MMORPG; à son ami qui fréquente tellement les sites porno qu'il n'arrive plus à se confronter à une sexualité "classique"; ou encore à cette jeune ado qui désespère de trouver sur des forums ANA le moyen de contenir sa faim - tout aussi dévorante que son attirance pour le playboy du lycée qui par ses remarques l'a entraînée sur la pente de l'anorexie. 
Mais quand le film lorgne du côté des adultes, il perd de son impact émotionnel. Profondément dépressifs, ils ont déjà basculé de l'autre côté du miroir, sont moins complexes, presque sous anesthésie. En raison de l'aspect très classique du film, on se rend surtout compte que les problématiques restent les mêmes. Pas de dimension radicalement nouvelle véhiculée par ces vecteurs technologiques. Rien de changé sous le soleil, sur ce "point bleu pâle" qu'est la Terre. Juste des addictions relookées.
Le choix d'une fin heureuse, où chacun - ou presque - semble avoir appris de son expérience et de son rapport à l'objet technologique, renforce ce sentiment: oui il s'agit d'une belle fable, mais où est la nouveauté? Qu'est-ce qu'une révolution sans débordements?
Ou alors est-ce là le coeur du sujet: comment ces pratiques nouvelles sont tellement rentrées dans les moeurs qu'elles sont devenues une seconde peau qu'on ne remarque plus...

Source:

Guillaume de la Chapelle

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